Chronique d’une violence ordinaire

Cela pourrait être un banal accident de la route. Une petite fille de 7 ans, accompagnée de son frère de 11 ans, traverse la route près de chez elle. Elle emprunte le passage piéton réglementaire et j’imagine qu’elle applique la règle qu’on lui a probablement inculquée dans sa famille ou à l’école, celle de regarder des deux côtés, à gauche et à droite puis encore à gauche, pour s’assurer que les véhicules sont bien arrêtés. Il se trouve que les voitures sont immobilisées, il est 19 heures et la densité de la circulation a créé un début d’embouteillage dans cette artère de Vallauris très fréquentée. Elle s’engage donc en confiance et se fait heurter violemment par une moto, qui remonte la file à vive allure.

La fillette est projetée à plusieurs mètres. Transportée aux urgences, elle sera plongée dans un coma artificiel et son pronostic vital est toujours engagé, au grand désespoir de sa famille. Si le conducteur de la moto ne l’a pas vue, c’est probablement parce qu’il roulait à la fois trop vite et sur sa seule roue arrière. Une manœuvre naturellement interdite, mais hélas pratiquée trop souvent par des motards inconscients. Ce qui amènera le député et chef de file des Républicains dissidents ralliés au Rassemblement national, Éric Ciotti, à dénoncer « un rodéo urbain ». Il faut croire que la réalité n’est pas suffisamment dramatique aux yeux de ce personnage. Rendez-vous compte. Il ne s’agirait pas d’un étranger, donc il ne pourrait pas être sans papiers, il était titulaire du permis exigé pour son véhicule et il était régulièrement assuré. Par ailleurs, il est inconnu des services de police et les tests aux stupéfiants et à l’alcool se sont révélés négatifs. Cela n’empêchera pas Éric Ciotti d’insinuer qu’il y aurait une indulgence coupable de la justice, puisqu’il demande une « tolérance zéro vis-à-vis de ces délinquants de la route ».

Ce phénomène de rodéo existe, c’est un fait. Mais il se déroule de préférence dans certains quartiers dédiés à cette activité illicite contre laquelle il convient de lutter. Mais ne mélangeons pas tout, dans un amalgame destiné à faire peur, généralement pour favoriser les thèses xénophobes et racistes des amis de Monsieur Ciotti. Bien que je fréquente des axes routiers plutôt calmes en général, il m’arrive régulièrement de croiser des adolescents, voire des enfants, qui s’essaient sur un simple vélo à réaliser des acrobaties routières là où ce n’est pas le lieu. J’ai d’ailleurs plus peur pour eux et d’une chute qui pourrait avoir des conséquences imprévues, que pour les autres usagers de la route. Espérons que les Jeux olympiques qui ont mis en valeur les sportifs français pratiquant le BMX permettront de favoriser la pratique dans des lieux aménagés à cet effet, en toute sécurité.