L’autre guerre

Cette autre guerre, c’est celle que mène la propagande russe pour discréditer l’Ukraine au travers de son président démocratiquement élu afin d’affaiblir le soutien international en sa faveur, qui lui permet de rivaliser avec sa propre armée en retardant l’avancée des troupes russes d’invasion, et en permettant même une incursion importante des Ukrainiens dans la région de Koursk. Malgré une population moins nombreuse et un stock d’armes et de munitions moins important, la nation agressée a fait mieux que résister, probablement galvanisée par la défense du sol national. À présent que les Occidentaux fournissent plus et mieux ce qu’ils s’étaient engagés à livrer, le sort de la guerre redevient incertain pour le pouvoir russe. 

La propagande russe vise deux objectifs complémentaires. Le premier est à usage interne. Il s’agit de démontrer au peuple russe le bien-fondé de cette opération spéciale, devenue action antiterroriste pour les besoins de la cause, exercée contre un pouvoir ukrainien fantoche, corrompu, héritier de l’Allemagne nazie. La cible privilégiée est évidemment le chef de l’état, Volodymyr Zelensky, régulièrement soupçonné de s’enrichir sur le dos de sa population. C’est ainsi que le président a été accusé récemment d’avoir acquis l’ancienne villa du chanteur Sting pour 75 millions d’euros, prélevés sur l’aide internationale versée à l’Ukraine. Cela ne sera jamais que la 23e résidence de ce type, faussement attribuée à Zelensky par la désinformation russe. Le principe est simple, mais redoutablement efficace. « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », selon la formule de Francis Bacon, et le bon peuple finira par se dire qu’il n’y a pas de fumée sans feu.

La propagande russe vise aussi à dénigrer son adversaire afin de le priver autant que faire se peut de tout soutien international, et en premier lieu de convaincre les États-Unis de diminuer ou même de supprimer les crédits alloués à l’Ukraine, sans lesquels Wladimir Poutine imagine que l’armée ukrainienne ne tiendrait pas longtemps. C’est la raison pour laquelle la Russie a décidé de soutenir massivement la candidature de Donald Trump au détriment de la candidate démocrate, Kamala Harris, qui semble avoir le vent en poupe depuis son investiture officielle. Pour y parvenir, les services chapeautés par le Kremlin ne s’embarrassent pas du moindre scrupule, en utilisant les technologies les plus récentes appuyées sur l’intelligence artificielle. L’IA permet désormais de produire des documents apparemment authentiques, dans lesquels des personnages connus disent ou font des choses totalement trafiquées. C’est ainsi qu’un faux Obama prétend que Joe Biden aurait commandité la tentative d’assassinat de Donald Trump, qui n’a raté sa cible que de quelques millimètres. Ce genre de mise en scène est facile à démonter pour des spécialistes, mais peut convaincre un public déjà prêt à y croire, conditionné par des années de bourrage de crâne. Plus que jamais, la méfiance et le doute systématique devront être de mise en la matière.