Verbatim

Les paroles s’envolent, les écrits restent, dit-on. Cependant, il est parfois possible de retrouver certaines déclarations, dont les auteurs préfèreraient probablement qu’elles tombent dans un oubli miséricordieux, pour la plus grande satisfaction de leurs adversaires. C’est ainsi que la version numérique du Huffington Post a publié ces jours derniers un petit montage des prédictions apocalyptiques de personnages politiques ou d’experts concernant le fiasco annoncé des Jeux olympiques de Paris 2024. Au centre de toutes les polémiques, la cérémonie d’ouverture qui allait se dérouler dans un espace ouvert, et non dans un stade, si grand soit-il, comme c’était habituellement le cas.

À tout seigneur tout honneur, c’est le professeur Alain Bauer, expert archireconnu en matière de maintien de l’ordre, conseiller spécial dans les plus hautes sphères de l’état, qui délivrait dès le 31 mai 2022 la prédiction suivante : « je voudrais dire pour l’Histoire et ici ce soir, que la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024 est une folie criminelle », avant de poursuivre avec un aplomb saisissant : « il n’y a pas un expert français, étranger, du CIO ou d’ailleurs, qui trouve que ce truc a du sens ». J’imagine que le comité d’organisation a réussi à en trouver, puisque la cérémonie a eu lieu, sans incident notable, et malgré une météo catastrophique. Alors que je ne suis expert en rien, j’ai pu constater que le décor naturel a permis un déroulement échappant à la routine fastidieuse constatée lors de la cérémonie de clôture, traditionnelle quant à elle. La plupart des critiques émanaient du Rassemblement national et concernaient principalement la prestation annoncée d’Aya Nakamura, servant de prétexte à un déferlement de haine raciste. Au point de me faire oublier mes préventions envers un genre musical éloigné de mes préférences habituelles.

Et puis les critiques ont tenté d’opposer les populations selon leur appartenance sociale. Il y aurait deux sortes de publics. Ceux qui auraient les moyens d’assister aux jeux, pour qui rien ne serait trop beau, mais dans une esthétique élitiste, et ceux qui subiraient les difficultés de déplacement, alors qu’ils devraient continuer à travailler. Les transports en commun seraient bondés et les Parisiens qui, par malchance, ne seraient pas partis bouderaient ces jeux réservés aux riches ou aux intellos. Patatras ! il n’a jamais été aussi facile de prendre le métro ou le RER, même aux heures les plus chargées, et les épreuves gratuites comme le vélo sur route ou le triathlon ont drainé un large public, plutôt enthousiaste. Ce qui ressort de ces jeux, c’est bien une satisfaction collective, au-delà de la quantité et la couleur des médailles, « n’en déplaise aux jeteurs de sorts » en paraphrasant l’oncle Georges et ses copains d’abord.