Négociations ?

Le terme est-il vraiment bien choisi ? Peut-on parler de négociations entre Israël et le Hamas ? Rien n’est moins sûr. En effet, le mot et le concept de négociation renvoient explicitement au négoce, au commerce, c’est-à-dire une activité humaine dans laquelle les parties intéressées échangent des marchandises, des biens, soit sous le régime du troc, ce qui nécessite un accord sur la valeur attribuée à chaque objet ou service, soit en contrepartie d’une somme d’argent qui médiatise plus finement ce que chacun est prêt à accepter. Dans les cas les plus simples, on observe la présence d’un vendeur, qui possède un bien et d’un acheteur, qui souhaite l’acquérir.

En l’occurrence, c’est le Hamas qui détient encore près de la moitié des otages enlevés le 7 octobre dernier, et qui pourrait les libérer en échange de prisonniers détenus par Israël. Encore faudrait-il se mettre d’accord sur le nombre et les modalités de ces libérations. En réalité, ni l’une, ni l’autre des parties en présence ne veut vraiment donner la priorité à cet échange, qui serait au cœur du plan présenté par les États-Unis. Paradoxalement, c’est Anthony Blinken, envoyé par le président américain, qui semble le plus motivé à faire aboutir un accord dont pourrait se targuer Joe Biden en vue de la présidentielle de novembre prochain où il soutient désormais Kamala Harris. Il aurait obtenu l’accord de principe du Premier ministre israélien à sa proposition de cessez-le-feu, qui n’a pas convaincu le Hamas, absent de la table des négociations tant que les USA ne seront pas en mesure de faire de nouvelles propositions. L’objectif du Hamas, qui ne reconnait toujours pas l’existence d’Israël, c’est d’obtenir une trêve durable, permettant à la population de souffler, à ses troupes de se reconstituer et renaître de leurs cendres.

À l’inverse, Benyamin Netanyahou cherche à éliminer totalement l’infrastructure palestinienne et à éradiquer le Hamas, la libération des otages pouvant attendre. Cyniquement, la question des otages lui permet de radicaliser sa position, en donnant des gages aux militants de droite extrême qui soutiennent son gouvernement et n’hésitent pas à mener des opérations commando contre la population en Cisjordanie, rendant la situation encore plus inextricable. Le secrétaire d’État américain n’a pas eu d’autre choix que de constater le manque d’adhésion à sa proposition, et a dû reprendre la navette Washington-Tel-Aviv, en faisant supporter la responsabilité de ce nouvel échec sur la partie palestinienne. Non seulement ces ersatz de négociation ne font pas avancer la lente et difficile recherche d’une solution vers la paix, mais ils risquent de déboucher sur un nouveau conflit « régional » avec la menace d’une intervention iranienne directe ou par l’intermédiaire de ses « proxys », Hezbollah ou autres, à la suite de l’élimination du chef politique du Hamas sur son territoire.