Flou juridique

Encore raté ! le président de la République aurait pu nommer un Premier ministre dès aujourd’hui, puisque nous rentrons dans la fenêtre d’opportunité qu’il avait lui-même fixée, après la trêve olympique décrétée par ses soins, prétextant qu’il ne fallait pas gâcher la fête d’une période de réconciliation nationale autour des valeurs du sport. Patatras ! Alain Delon, un des derniers monstres sacrés du cinéma français a choisi la nuit de samedi pour disparaître. Dans son cas, on ne peut pas dire qu’il a passé « l’arme à gauche » puisqu’il n’a jamais caché ses sympathies pour Jean-Marie Le Pen. Ce qui n’empêchera pas Emmanuel Macron de lui rendre hommage pour bénéficier d’un nouveau répit.

Et après, quoi ? Tirer en longueur les consultations formelles des chefs de parti ou des présidents de groupe représentés à l’Assemblée nationale ? Prétexter des compétitions paralympiques pour retarder les opérations, au motif que le président aurait « piscine » ? Cela fait déjà 6 semaines que les Français se sont prononcés, certains ont même décalé leurs vacances pour faire entendre leur voix, et le Président n’a toujours pas assumé son rôle qui est de désigner un Premier ministre, même si les résultats ne lui plaisent pas. Avouez qu’il y a de quoi être un peu énervé devant tant de mauvaise volonté. De là à lancer une procédure de destitution en vertu de l’article 68 de la Constitution, c’est discutable, et c’est d’ailleurs discuté au sein même du Nouveau Front populaire devant l’initiative de la France Insoumise, essentiellement d’un point de vue tactique. Le législateur a mis tellement de verrous pour éviter des procédures trop fréquentes ou basées sur des motifs peu importants, qu’il faudrait des agissements du type haute trahison en temps de guerre pour aboutir au résultat souhaité.

On a souvent vanté la Constitution de la 5e République pour sa plasticité et sa capacité à s’adapter aux circonstances. Elle est surtout très floue. Elle a été élaborée en 1958 pour un régime parlementaire, puis modifiée en 1962 pour s’adapter à un régime basé sur l’élection du chef de l’état au suffrage universel. Cette évolution se traduit dans l’article 8 qui indique que le Président nomme le Premier ministre, sans précision de délai, et qu’il met fin à ses fonctions, après démission de ce dernier. Et si un Premier ministre s’accrochait à son poste ? Si un président ne désignait un Premier ministre que très tardivement ? s’il décidait, comme il semble en avoir le droit, de nommer le premier quidam passant dans la rue devant l’Élysée ? La réponse classique à toutes les hypothèses fantaisistes concernant la vie politique française consiste à évoquer le général de Gaulle qui ne se serait jamais placé en pareilles circonstances, et, évidemment, n’aurait jamais pu être mis en examen. N’est pas de Gaulle qui veut, et la France mériterait une Constitution plus claire.