
Ne leur tournez jamais le dos !
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 12 mars 2025 11:17
- Écrit par Claude Séné

C’était le conseil donné à un prof débutant nommé dans un quartier difficile de New York dans le film Blackboard Jungle (la jungle du tableau noir) paru en France en 1955 sous le titre Graine de violence. On a l’impression que l’enseignante qui comparaissait hier et avant-hier pour répondre de harcèlement à l’égard de trois de ses élèves, dont une, Evaëlle, s’est donné la mort à l’âge de 11 ans, quelques mois après avoir quitté le collège où exerçait la mise en cause comme professeur de français, a vécu son expérience professionnelle dans ce collège plutôt tranquille comme un rapport de force suivant les lois de la jungle : manger ou être mangé.
Au procès, elle n’aura pas un mot d’empathie à l’égard de la fillette et de ses parents, préférant évoquer « le choc » d’être accusée, à tort selon elle, d’être coupable de la mort d’un enfant, quand elle se jugeait simplement « exigeante ». En dehors des plaintes déposées contre elle, elle avait la réputation d’être dure, cassante, les élèves redoutaient d’être dans sa classe, et elle les rabaissait fréquemment en les traitant de « bêtes » ou de futurs SDF sans cerveaux. J’ai connu un professeur qui utilisait les mêmes méthodes et un vocabulaire presque identique, il y a bien longtemps. Je crois qu’il craignait par-dessus tout d’être « chahuté » et d’en être définitivement stigmatisé aux yeux de ses collègues et de l’administration.
Il faut d’ailleurs noter que l’enseignante d’Evaëlle, d’une part, était sûre de son bon droit dans ses méthodes basées sur l’autorité, et d’autre part avait subi avec succès les évaluations de sa hiérarchie. Elle encourt une peine de 18 mois de prison avec sursis, réclamée par le parquet, qui demande également une interdiction définitive d’exercer son métier. Pendant le procès, lorsqu’elle a été interrogée, elle a surtout montré que son attitude défensive, caractérisée par une grande rigidité, masquait probablement une difficulté à se décentrer d’elle-même. Reste à savoir si elle a eu conscience de faire un tort considérable aux élèves les plus fragiles désignés comme victimes expiatoires d’une situation difficile. S’est-elle rendu compte de l’exemple désastreux que ses railleries pouvaient donner à de jeunes élèves en devenir, au moment où le harcèlement scolaire entre les enfants se développe comme un véritable fléau amplifié par l’importance des réseaux sociaux ? Cette période de la vie qui voit de grands changements s’opérer, au point de pouvoir parler avec Françoise Dolto de complexe du homard, très fragilisé par son changement de carapace, l’adolescence, donc, peut bouleverser le destin d’un jeune, pour le meilleur ou pour le pire. Cela ne fera pas revenir Evaëlle, mais peut sauver d’autres jeunes. Verdict le 10 avril.