Retenez-moi, ou je fais un malheur

C’est en substance le contenu du message que Pedro Sanchez, le président du gouvernement espagnol avait voulu faire passer la semaine dernière en mettant dans la balance son éventuelle démission pour protester contre la plainte visant son épouse, déposée par des partis d’opposition pour de supposés trafics d’influence. Pedro Sanchez avait lancé une sorte d’ultimatum qui expirait hier, pour annoncer sa décision. Au bout d’un suspense insoutenable pour ses partisans et ses adversaires, le Premier ministre a annoncé qu’il restait à son poste, au grand dam des partis de droite et d’extrême droite qui pensaient avoir eu sa peau cette fois-ci, tout en reconnaissant que leur plainte n’était fondée que sur des articles de presse.

Ce qui est paradoxal dans cet épisode de la vie politique en Espagne, c’est que la campagne de dénigrement visant le chef du gouvernement à travers sa femme avait précisément pour but d’abattre le dirigeant socialiste et de lui faire quitter le pouvoir, alors que lui-même menaçait d’abandonner le navire en sous-entendant qu’il était le seul à pouvoir le diriger. Ce qui n’est pas entièrement faux, car la coalition qui dirige actuellement le pays a été difficile à former et ne peut garder la majorité que grâce au soutien des partis indépendantistes basques et catalans. Ce sont d’ailleurs les concessions à ces formations en échange de leur aide au Parlement qui cristallisent les critiques de l’opposition. Pour se maintenir, Pedro Sanchez a dû se livrer à de grandes manœuvres en jouant sur les échéances électorales, un exercice qui lui a jusqu’ici réussi. Le fonctionnement des institutions espagnoles ressemble à celui de notre 4e république, la république des partis, dénoncée puis renversée par le coup d’État légal du général de Gaulle en 1958.

Malgré nos différences institutionnelles, je suis frappé des similitudes entre nos deux pays. On prête à Brigitte Macron un rôle et un pouvoir probablement exagéré, tout comme Begoña Sanchez, cible de toutes les attaques, sans doute plus compétente et susceptible de jouer un rôle actif dans les « affaires » dont on la soupçonne, que n’aurait pu l’être Pénélope Fillon si son mari avait obtenu le poste suprême auquel il aspirait. Des rumeurs circulent selon lesquelles la femme du président français serait en réalité un homme, son propre frère, dont on serait sans nouvelles depuis longtemps. Il en irait de même pour Begoña Sanchez. C’est un classique de la calomnie, que d’accuser des personnalités d’être d’un autre genre que l’état civil ne le prétend, depuis Dalida, ou si l’on remonte le temps, le Chevalier d’Éon. L’idée est évidemment de suggérer l’homosexualité de leurs compagnons, qui n’est pourtant plus un délit de nos jours et ne devrait avoir aucune incidence sur la crédibilité des dirigeants. Officiellement, personne ne semble rien reprocher notamment à Gabriel Attal sur son orientation sexuelle, et c’est heureux. Quant à la plainte visant l’épouse du dirigeant espagnol, elle devrait être traitée avec impartialité, ni plus, ni moins.