Malbrough s’en va-t’en guerre

Si le sujet n’était pas si sérieux, on pourrait presque s’amuser de la persévérance quasi enfantine avec laquelle le président français joue à se faire peur, et à nous par la même occasion. Plutôt que de reconnaître que sa première déclaration au sujet de l’envoi possible de troupes au sol en Ukraine, sans l’accord de nos alliés, pour la plupart réticents au moins pour le moment, et à se lier les mains dans une escalade incontrôlée où chacun se présenterait en ordre dispersé, il a préféré en remettre une couche en jouant de nouveau les matamores devant les journalistes du « The Economist ».

À l’encontre de la doctrine officielle qu’il invoque sur le sujet, il a même précisé les conditions qui pourraient amener à cette éventualité. Si la Russie venait à percer le front, et si l’Ukraine le demandait expressément, ce qui n’est pas le cas actuellement, alors pourrait se poser la question de l’envoi de troupes occidentales (notamment françaises) au sol. Si l’on suppose qu’une telle décision serait susceptible de faire basculer une guerre enlisée depuis déjà plus de 2 ans et de nature à faire reculer un pouvoir que rien ne semble affecter, la véritable dissuasion consisterait à rester dans la fameuse ambiguïté, et à éviter d’étaler nos divergences sur ce sujet. Les partisans d’une intervention directe sur le terrain, dont Emmanuel Macron semble faire partie, n’envisagent pas pour autant probablement de déclarer la guerre à la Fédération de Russie pour venir en aide à l’Ukraine, mais il faut bien être conscient que ce serait tout comme et nul ne sait jusqu’où un tel conflit peut nous mener.

Devant une menace d’extension du conflit, les uns, dont Arno Klarsfeld, sont prêts à sacrifier un pourcentage important du territoire ukrainien, la presqu’ile de Crimée et le Donbass, voire plus si affinités, sur l’autel d’une paix dont rien ne prouve qu’elle serait durable, à l’image de la Géorgie qui a dû abandonner l’Ossétie du Sud et l’Abkhasie à son encombrant voisin sans être garanti des ingérences russes contre une population éprise de liberté. D’autres, dont les États-Unis, ont chipoté l’aide militaire qui aurait permis à l’Ukraine de tenir la dragée haute à Wladimir Poutine, pour ne pas « humilier la Russie » comme le défendait Emmanuel Macron. On voit aujourd’hui les résultats de ces hésitations, ce qui n’est pas une raison pour foncer désormais tête baissée en essayant d’entraîner ses alliés, pour se donner une posture d’homme d’État dont la parole compte à l’international, même si elle est dévalorisée dans son pays. Car, comme le dit la comptine, il « ne sait quand reviendra ».