Citoyen Bayrou

Au rapport ! Nous avons appris cette semaine que sous le maroquin du Garde des Sceaux battait aussi un cœur de simple citoyen, et qu’il avait été brisé par les enquêtes malveillantes de la presse et notamment celle de France Info qui a osé chercher à savoir si les attachés parlementaires du Modem travaillaient effectivement pour le parlement européen ou pour le parti de François Bayrou. Son sang n’a évidemment fait qu’un tour, car on sait que le Béarnais l’a chaud, et il ne s’est pas privé de décrocher son téléphone pour passer une soufflante au responsable de l’investigation à Radio France, dans le but de faire cesser toute enquête journalistique sur son parti.

Cette façon de procéder serait déjà ultra contestable si François Bayrou n’était effectivement qu’un simple citoyen. L’intimidation, pas plus que la violence physique, ne devrait avoir aucune place dans les différends entre des êtres dotés de raison, ce dont on commence à douter, s’agissant du ministre à qui son statut semble être monté à la tête. Elle est d’autant plus inadmissible quand elle s’attaque à une liberté fondamentale, celle d’informer, et qu’elle émane d’une personnalité détenant une partie du pouvoir remis à l’exécutif par les citoyens pour l’exercer en toute impartialité. Elle est criminelle quand elle provient du ministre de la Justice, qui est précisément chargé de garantir le bon fonctionnement de l’institution judiciaire. De toute évidence, François Bayrou se trouve placé au centre d’un conflit d’intérêts qui devrait le pousser à renoncer à sa charge ministérielle, pour dissiper tout soupçon de favoritisme. S’il doit répondre à la justice des emplois présumés fictifs de son mouvement et, on vient de l’apprendre, de sa propre secrétaire particulière, il ne peut évidemment pas le faire tout en restant ministre de tutelle des magistrats chargés de le questionner.

Le minimum aurait été qu’il fasse profil bas et qu’il garde le silence en se gardant bien de faire la moindre pression pour éviter d’apparaitre comme ce qu’il est, c’est-à-dire juge, et partie. Au lieu de quoi, après un timide recadrage du Premier ministre, il persiste, signe, et en remet une couche sur sa liberté de parole. Il devrait pourtant prendre garde. Les résultats du premier tour sont excellents pour la république en marche, qui pourrait bien détenir la majorité absolue sans même avoir besoin de son allié du Modem. Il est de tradition de procéder à un remaniement ministériel à l’issue des législatives, et l’Élysée ne serait pas fermé à l’hypothèse d’un remplacement de son encombrant ministre devenu superfétatoire. Une façon de lui retourner le compliment qu’il avait fait à un gamin un peu trop audacieux en 2002 tout en lui allongeant une bonne gifle : « tu me fais pas les poches ! »