Le bon numéro

Les épreuves du baccalauréat 2017 commencent aujourd’hui avec la Philosophie, et de la philosophie, il va falloir en avoir pour les candidats, qui doivent non seulement réussir leur examen pour prétendre poursuivre leur cursus et accéder à l’université, mais ne sont même pas certains de pouvoir choisir la filière qui leur convient. Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle tend à se généraliser. En théorie, l’école publique est gratuite et libre d’accès de la maternelle à l’université. En pratique, de nombreux obstacles se dressent sur le parcours.

Je n’évoquerai que pour mémoire l’accueil des plus jeunes enfants en maternelle, réservé à certaines zones dites sensibles, puisque la scolarisation préélémentaire n’est pas obligatoire. Si la situation en primaire, au collège ou au lycée est largement perfectible, c’est l’enseignement supérieur qui est le plus inégalitaire. L’université est la parente pauvre des grandes écoles, plus prestigieuses, et y accéder devient de plus en plus compliqué. Au point que certaines filières sont amenées à refuser un nombre croissant d’étudiants. Par souci d’équité, les candidats sont départagés par tirage au sort. Les plus chanceux sont admis et les autres sont aiguillés vers d’autres orientations. Un système rappelant la conscription entre 1798 et 1905. Il fallait tirer le bon numéro pour ne pas aller risquer sa peau dans des guerres interminables, ou avoir les moyens de payer un remplaçant pour aller se faire tuer à sa place.

Officiellement, il n’existe pas de sélection à l’entrée à l’université. Ceux qui ont tenté de l’instituer par le passé se sont toujours heurtés à l’hostilité des étudiants, allant jusqu’à la révolte comme en 1986 quand Alain Devaquet a tenté de la faire passer. Depuis lors, nous vivons dans l’ambiguïté, avec un rationnement des moyens affectés à l’enseignement supérieur, qui conduit à un malthusianisme valant sélection déguisée. Les premiers touchés ont été les étudiants se destinant à l’enseignement sportif : 33 000 postulants prévus pour 16 000 places. Des situations très tendues également dans les disciplines les plus demandées, telles que le droit ou la psychologie. Une mention particulière pour les professions médicales, jusqu’ici épargnées, mais pour combien de temps ? La situation n’a cessé de se dégrader, à mesure que le baccalauréat s’est démocratisé. Il ne joue pas le rôle de filtrage des candidats à l’université, qui a longtemps procédé à une sélection par l’échec en recalant la plupart des étudiants à l’issue des deux premières années et en créant des conditions d’étude dissuasives. Même cette ligne de défense est à présent dépassée, et l’état va devoir prendre une position claire : soit l’accès demeure libre et les infrastructures des différentes filières doivent être rénovées en conséquence, soit une forme de sélection et d’orientation est mise en place pour répondre au mieux aux aptitudes et aux aspirations des étudiants.