À vos marques

La renommée et la réputation d’une marque sont des biens immatériels qui peuvent déterminer l’avenir, le succès ou l’échec, d’une entreprise. Quand on a la chance de disposer d’une marque solide, connue, on est généralement prêt à faire tous les sacrifices pour la conserver. On a pu voir par le passé des groupes extrêmement puissants prêts à tout pour étouffer la moindre trace de concurrence. Ainsi d’une célèbre entreprise de chocolaterie qui a contraint une modeste couturière à renoncer à utiliser sur Internet son propre prénom, Milka, pour préserver ses intérêts.

Il y a quelques années, en 1990 précisément, Perrier a dépensé une petite fortune pour rappeler toute sa production, 72 millions de bouteilles, à la suite d’un incident sur une seule bouteille contenant des traces de benzène, dans l’unique objectif de ne pas entacher son meilleur atout : sa marque. C’est pourquoi on a pu considérer le changement de dénomination commerciale des TGV comme un accident industriel qui risque de coûter très cher à sa maison mère, la SNCF. Il paraîtrait que l’appellation « inouï » qui sera désormais attachée aux nouvelles rames de trains à grande vitesse a été le fruit d’une consultation informelle de passagers et qu’elle n’aurait, de ce fait, pas coûté très cher à l’entreprise. On ose l’espérer. Je vous passe toutes les blagues douteuses des internautes sur la nouvelle marque, dont les plus savoureuses concernent un personnage bien connu des enfants : « oui-oui », et sa variante de « béni-oui-oui ». On se demande encore quelle mouche a bien pu piquer le patron de l’entreprise qui va probablement essayer de rattraper le coup en rétablissant la primauté de la marque TGV, une valeur sûre, dont le logo est devenu clairement identifiable.

Toute autre est la démarche qui vise à faire disparaitre la marque SFR au profit de sa maison mère, le groupe Altice. On peut soupçonner en effet que la direction d’Altice souhaite se débarrasser d’une appellation devenue encombrante à la suite d’une gestion calamiteuse du réseau, sujet à de nombreuses pannes dues à des réductions d’effectifs, et à un service client déficient et dépassé par le volume de plaintes des consommateurs. À lui seul, SFR concentre la moitié des plaintes enregistrées sur l’ensemble des 4 opérateurs du téléphone et d’Internet. J’ai déjà eu l’occasion ici même de retracer le parcours du combattant de l’infortuné client d’un des pionniers de la téléphonie mobile et de l’Internet, tel que Club-Internet par exemple, qui s’est vu successivement racheté par Neuf, SFR, Numericable et maintenant Altice, sans jamais se sentir vraiment pris en considération, comme un pion sur un échiquier industriel que l’on sacrifie sans remords sur l’autel du profit maximal. Il faudra beaucoup de temps et de bonnes pratiques pour restaurer la confiance perdue.