Le nœud de la sagesse

La polémique fait rage autour du festival Nyansapo qui doit se tenir à Paris fin juillet. « L’affaire » a débuté avec la dénonciation par le Front national, par la voix de son trésorier Wallerand de Saint-Just, d’une manifestation « interdite aux blancs » selon une rhétorique soigneusement huilée visant à stigmatiser un soi-disant grand remplacement de la population française. Ce festival afroféministe prévoit des animations, des concerts et des ateliers de discussion autour de la question des discriminations faites aux femmes et particulièrement aux femmes noires ou d’origine africaine.

Deux de ces ateliers seront réservés aux « femmes/personnes noires », un autre aux femmes « racisées » (victimes de discrimination), et un quatrième sera ouvert à tous. Des pratiques jugées discriminatoires par la Licra, la ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, et qui ont amené Anne Hidalgo, la maire de Paris, à envisager l’interdiction de la manifestation qui doit se dérouler partiellement dans des locaux municipaux. Le collectif Mwasi, organisateur du festival, défend la non-mixité au nom du principe que les opprimés ont besoin de se retrouver entre eux pour pouvoir s’exprimer librement. Un principe souvent utilisé par des organisations féministes et plus largement dans toutes sortes de luttes, mais qui se réfère surtout à la tradition anglo-saxonne et au communautarisme.

Je suis toujours assez gêné par les pratiques qui aboutissent à l’exclusion de fait d’une partie de la société, même si les intentions en sont généreuses. Je ne suis pas non plus convaincu que le repli identitaire soit une solution efficace pour lutter contre les discriminations. L’action du Cran, le conseil représentatif des associations noires de France, ne m’a pas paru d’une clarté absolue quand il défendait « l’humoriste » Dieudonné, au seul motif apparent de sa couleur de peau. Cela dit, l’existence du collectif Mwasi, qui veut dire « femme » en lingala, une langue bantoue d’Afrique de l’Ouest, et qui regroupe exclusivement des femmes noires cooptées, ne me dérange pas, pas davantage que l’organisation de leur manifestation, qui sera en grande partie tenue dans des locaux privés. Je trouve simplement qu’elles auraient avantage à élargir la base de leurs sympathisants en évitant d’ostraciser a priori les infortunés qui ont le tort de ne pas être noirs, ni femmes, mais qui pourraient soutenir leur combat, pour peu qu’on leur en donne l’occasion. Ce serait une mise en application du symbole qu’elles ont choisi pour intituler leur festival. En effet, Nyansapo fait partie de l’Adinkra, un ensemble de symboles utilisés pour représenter des concepts spécifiques de la culture africaine, et qui signifie « nœud de la sagesse », ce qui implique qu’une personne sage a la capacité de choisir le meilleur moyen pour atteindre un but.