Parenthèse

En cette veille de premier tour des élections présidentielles, bien que mon influence sur le vote soit négligeable, je me conformerai à la règle qui veut que l’on s’arrête de publier des sondages, que les candidats ne fassent plus de déclaration après le vendredi soir à minuit, et que l’on s’abstienne de toute annonce de nature à favoriser l’un ou l’autre. Je n’ai pas trouvé de vidéo de petit chat à vous recommander, mais mon attention s’est portée sur un fait-divers, exemplaire de notre société à bien des égards.

L’histoire se déroule à Montpellier, une ville que je connais peu, et plus précisément dans le quartier de la Mosson. Déjà, de nos jours, le seul fait de mentionner le nom du quartier, ou même le mot quartier à lui seul sous-entend qu’il s’agit d’une partie de la ville particulièrement défavorisée. Et en effet, sur un site internet, le quartier de La Paillade, comme il se nommait auparavant, est désigné comme susceptible de poser problème, et déconseillé aux nouveaux arrivants. On comprend qu’il s’agit d’un de ces « grands ensembles » comme on les appelait dans les années 60, composés de barres et de tours pour loger un maximum d’habitants après les destructions dues à la guerre. On en trouve beaucoup en région parisienne et chaque grande ville en possède au moins un exemplaire. À Nantes, c’est par exemple le secteur des Dervallières, dans lequel j’ai eu l’occasion de travailler et même d’habiter brièvement. C’est donc au terrain de sport près de l’école Heidelberg qu’une enseignante de CP a été violemment mise à terre et frappée par une mère de famille mécontente à la suite d’un banal différent entre deux enfants. Bilan : 6 jours d’ITT pour l’institutrice, et un traumatisme pour les enfants présents. Ce sont des parents d’élèves qui sont intervenus pour porter secours à l’enseignante.

Cet incident est exemplaire à plusieurs titres. Il illustre le fait que l’école n’est plus un sanctuaire à l’abri des aléas de la vie courante. Je connais une école où les immeubles dominent la cour de récréation et où les parents peuvent lire au tableau en se mettant à leur fenêtre. Une autre encore où l’on a constaté un trou causé par une balle de carabine dans une fenêtre de la salle de classe, heureusement en dehors de la présence d’élèves. Au-delà de la proximité physique, c’est aussi la distance symbolique qui a tendance à disparaitre, au point d’en arriver à des violences corporelles. Si le prestige de l’enseignant en milieu rural était parfois excessif, l’abolition de son simple respect est une perte dangereuse et regrettable. C’est un point de repère utile qui disparait ainsi. C’est politique ? Peut-être. À chacun d’en tirer ses conclusions.