Précocité

Pour voyager aux États-Unis, il est nécessaire d’obtenir un visa et de remplir un questionnaire d’entrée connu sous le nom d’ESTA. Parmi les questions posées, il en est une qui concerne le risque terroriste et un Anglais qui a commis l’erreur de répondre oui à cet item demandant si son petit-fils avait l’intention de nuire aux USA, s’est vu convoquer à l’ambassade et le visa a été refusé. Petit problème, le dangereux terroriste est âgé de… trois mois ! Il n’empêche, on n’est jamais trop prudent et les autorités ont eu raison de refouler impitoyablement le subversif bambin.

Le grand-père en a été quitte pour reporter ses vacances en Floride avec son petit-fils et racheter des billets pour la modique somme de près de 4 000 euros. La fameuse question, qui demande si l’intéressé est impliqué actuellement ou dans le passé dans des activités terroristes, d’espionnage, de sabotage, voire de génocide, est tout à fait sérieuse et il est vivement conseillé d’y répondre avec franchise, car les services américains procèdent à des vérifications et nous savons que parmi les crimes et délits, le mensonge ou le parjure sont parmi les plus abominables aux yeux de nos cousins d’outre-Atlantique. D’ailleurs, ce n’est pas la seule question apparemment naïve du formulaire. Le futur voyageur doit également certifier qu’il n’a pas le projet de nuire aux États-Unis en trempant dans des activités criminelles ou illicites. Il doit déclarer ses éventuels antécédents psychiatriques ou de consommation de stupéfiants, s’il a fait l’objet de poursuites, etc. Moyennant quoi, vous pouvez être accueilli à bras ouverts dans la patrie des droits civiques, la championne du monde libre, la plus grande démocratie sur cette terre.

Faut-il que les ennemis des USA soient fourbes et retors pour passer outre ces recommandations et dissimuler leurs funestes projets! Et combien nos amis américains sont fondés à espionner l’ensemble des populations du monde entier pour débusquer les lâches qui n’ont même pas le courage de cocher la case « oui » pour venir les combattre à visage découvert, à la loyale, comme dans le duel final de tout western qui se respecte, après que les cow-boys aient massacré en toute équité les derniers Indiens. Quand je pense que j’ai trouvé un peu abusif de devoir faire la queue pendant une bonne heure avant d’avoir le droit de poser le pied sur le territoire marocain pour permettre aux sympathiques fonctionnaires de notre ami le roi de lire et de contrôler les renseignements sur les motifs et modalités de mon voyage, j’ai honte. J’avoue que j’ai attribué cet excès de zèle à une bureaucratie tatillonne liée à un régime autoritaire, alors qu’ils n’ont fait que s’inspirer du modèle démocratique américain.