Délit de solidarité

Il n’existe pas, ou pas encore, de délit de solidarité à l’égard de ses contemporains en difficulté. Ce n’est pourtant pas faute d’essayer, comme on peut s’en rendre compte dans les « points chauds » du parcours de la misère venue de l’étranger, ou née dans notre beau pays, la France. Fort heureusement, nous sommes dans un état de droit, et il arrive que la justice joue réellement son rôle et fasse honneur à son nom, qui parfois n’est qu’un idéal inatteignable. C’est le cas aujourd’hui à Lille, où le tribunal administratif a annulé un arrêté municipal interdisant la distribution de repas aux migrants dans la commune de Calais.

C’est au début du mois que la maire Les républicains de Calais, Natacha Bouchard, que l’on avait connue plus ouverte quand les campements sauvages se multipliaient, a pris cet arrêté pour essayer d’endiguer la présence de réfugiés qui tentent toujours de passer en Angleterre. En mettant hors-la-loi les associations qui viennent en aide aux populations déportées, dont beaucoup sont des enfants ou des jeunes livrés à eux-mêmes qui cherchent à rejoindre leur famille de l’autre côté de la Manche, Mme Bouchard s’est révélée sous un jour nettement moins flatteur, assumant sans état d’âme apparent son hostilité à tout dispositif d’aide humanitaire. Elle avait déjà dû revenir sur sa décision de bloquer l’accès à des douches installées par le Secours catholique en février dernier, après saisine du même tribunal. Selon la Maire, le moindre geste de solidarité la plus élémentaire serait considéré comme un « appel d’air », une invitation à tous les migrants à venir ou revenir s’installer sur la commune. Les associations, elles, font observer que les migrants reviennent et reviendront tant que leur situation sera aussi intenable dans leur pays d’origine et qu’aucune solution viable ne leur sera proposée.

La Maire de Calais a raison sur un point : il incombe aux états, notamment la France et l’Angleterre, de se mettre d’accord pour régler leurs différends et trouver des accords autres que purement répressifs pour régler positivement la situation de ces malheureux jetés par nécessité sur les chemins de l’exil. Raison de plus pour ne pas prendre des décisions à l’échelon local qui seraient contraires à l’obligation morale d’assistance à personne en danger et entraver l’action des associations et des bénévoles qui restent persuadés que toute personne humaine a droit à un minimum vital, celui d’être nourri, logé, mais aussi respecté dans sa dignité. Dans le but de faire ce qu’elle imagine que ses électeurs souhaitent, Mme Bouchard a décidé de manquer au respect de sa personne et de sa fonction. Puisse la justice la ramener à la raison.