La manie des classements

Pour la 24e année consécutive, le ministère de l’Éducation publie le classement des lycées en fonction de la réussite au baccalauréat. Il est permis de s’interroger sur la pertinence de cette diffusion puisque la plupart des établissements bien notés se situent tout naturellement dans les quartiers favorisés et ceux qui sont à la traîne dans les quartiers dits « difficiles ». À supposer que ces indicateurs soient fiables et que l’on puisse leur accorder une valeur prédictive, ils aboutiraient à renforcer le choix naturel des parents vers des lycées supposés plus prestigieux, un souhait le plus souvent impossible à réaliser.

Afin de valoriser le travail des équipes pédagogiques, le ministère tente de prendre en compte des éléments qui vont au-delà du simple taux de réussite, en comparant les résultats constatés avec les taux attendus en fonction de critères socio-économiques de la population scolaire accueillie. En d’autres termes, si le lycée a permis de compenser ou non des inégalités dues à l’origine des élèves. Intention louable, mais qui fait figure de lot de consolation dans une course où les gagnants sont toujours les mêmes. Évidemment, les taux de réussite au baccalauréat ont globalement progressé, quelles que soient les filières, s’établissant autour de 9 élèves sur 10 au bac général ou technologique et de 8 élèves sur 10 au bac professionnel. Mais ce résultat est un peu un trompe-l’œil. La véritable sélection ne se fait plus, et depuis longtemps, au niveau du bac, mais à celui des études supérieures. Le problème a simplement été déplacé. Et il va rapidement se reposer avec l’autonomie croissante des établissements supérieurs. Il ne peut masquer complètement le fait qu’encore trop de jeunes quittent le système éducatif sans avoir décroché le moindre diplôme.

Sans oublier les laissés-pour-compte qui n’auront pas réussi à suivre le parcours classique pour des raisons diverses, qu’ils soient simplement désavantagés ou porteurs d’un véritable handicap, un chantier qui demeure entier avec des revendications parentales toujours plus fortes et justifiées et un manque de moyens humains et matériels criants. La mission de l’école doit être d’assurer la meilleure réussite scolaire possible pour tous les élèves, à tous les degrés d’enseignement. Savoir que le lycée le plus proche n’est pas classé dans les établissements d’excellence ne peut avoir aucune utilité pratique pour la plupart des parents qui n’ont en réalité pas le choix. Toutes proportions gardées, ils ne peuvent réagir que comme dans un cas d’urgence de santé. Si le meilleur hôpital est à l’autre bout de la France, il faudra s’estimer heureux d’être soigné dans une proximité géographique. C’est à l’état qu’il incombe de faire en sorte que les meilleures conditions soient garanties sur tout le territoire.