On a gagné !

Mais ils n’ont pas perdu. Comme après une soirée de résultats d’élections, chacun des candidats ayant participé au débat de TF1 peut se targuer d’avoir tiré son épingle du jeu. En particulier, le simple fait d’avoir pu apparaitre à égalité avec les autres concurrents est une sorte de victoire pour deux d’entre eux. Hier soir, Marine Le Pen et François Fillon étaient des candidats « normaux », alors que le second est déjà mis en examen et que la première devrait l’être pour des détournements d’emplois au service de son propre parti.

Le deuxième enseignement de cette soirée, c’est qu’une chaine de télévision privée a offert une tribune à un quinté supposé gagnant en écartant de fait les six autres qualifiés par le Conseil constitutionnel, s’arrogeant ainsi un pouvoir exorbitant et infondé. Bien que je ne partage pas les idées de Nicolas Dupont-Aignan, je suis obligé de lui donner raison sur ce point et de proclamer que l’on doit tout faire pour qu’il puisse s’exprimer, ainsi que les autres « petits candidats ». J’entends bien que l’organisation d’un débat à 11 a tout d’un casse-tête, mais c’est pourtant une nécessité démocratique, qui sera d’ailleurs tentée dans la suite de la campagne notamment sur le service public. À mon humble avis, le saucissonnage du débat sur TF1 est responsable de l’incapacité à réunir les 11 candidats, faute de temps pour qu’ils s’expriment dans de bonnes conditions. Même avec seulement cinq candidats, la soirée a tourné au marathon et je ne suis sûrement pas le seul à ne pas en avoir suivi l’intégralité.

La forme n’a pas permis de se faire une idée claire des principales propositions de chacun, malgré, ou à cause, du caractère exhaustif des catalogues présentés. Que l’on soit d’accord ou non avec les orientations de tel ou tel candidat, ce sont elles qui devraient faire la différence, et non le chipotage et la surenchère sur le nombre de fonctionnaires comme on l’a connu aux primaires de la droite. Par exemple, la sortie de l’euro revendiquée par le Front national. Ou le revenu universel de Benoît Hamon, la 6e république de Jean-Luc Mélenchon, la fin des 35 heures de François Fillon, le renforcement de l’Europe d’Emmanuel Macron. Et peut-être encore plus important que le détail des mesures préconisées par les candidats sur chacun des sujets, que chacun des électeurs peut retrouver assez facilement dans la presse, un débat permet de révéler la personnalité, la stature et la nature profonde des impétrants, y compris quand ils veulent donner le change en tentant de dissimuler leurs intentions réelles. Raison de plus pour pratiquer une « équité renforcée » comme la souhaite le CSA.