La recette du quatre-quarts

Si le corps électoral était une pâtisserie, ce serait à l’heure actuelle un quatre-quarts, si l’on en croit les sondages. Ce que fait la rédaction de TF1 qui organise ce soir un débat limité aux principaux candidats mis en avant par les consultations organisées par les instituts spécialisés. Grosso modo, les forces en présence représentent chacune à peu près le quart des électeurs potentiels, alors que nous vivons depuis 1962 sous un régime majoritaire destiné à dégager des majorités absolues, là où beaucoup de démocraties sont dirigées par des coalitions.

Ce qui a beaucoup changé la donne, c’est la montée continue du Front national. Alors que Jean-Marie Le Pen avait pu accéder au 2e tour en 2002 en ne recueillant que 18 % des suffrages exprimés et en bénéficiant d’une abstention élevée, sa fille est créditée régulièrement d’environ 25 % des intentions de vote. L’autre nouveauté, c’est la résurgence du centre, régulièrement laminé depuis la fin du giscardisme, contraint de servir de force d’appoint aux grands partis historiquement établis à droite comme à gauche. C’est de ce deuxième quart que bénéficie actuellement le dernier avatar du courant souvent porté par François Bayrou, Emmanuel Macron, qui ne fait que recueillir un héritage sous couleur de rupture et de modernité. Vient ensuite la droite classique, qui semblait promise à une victoire facile, mais que la personnalité de son candidat a reléguée à une troisième place synonyme d’élimination dans la compétition présidentielle. Si on lui ajoute les « petits candidats » qui défendent peu ou prou les mêmes valeurs, on n’est quand même pas très loin d’un petit quart de l’électorat.

Reste le quatrième quart, qui serait virtuellement le plus nombreux, s’il ne s’éparpillait pas sur plusieurs candidats, d’importance inégale sur le plan numérique. Il va de la gauche classique représentée par Benoît Hamon, à l’extrême gauche de Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, en passant par la gauche radicale de Jean-Luc Mélenchon, soutenu par le parti communiste. On aurait aimé pouvoir dire que ces forces de progrès étaient condamnées à s’entendre, c’est l’inverse qui s’est produit. La recette qui avait permis l’alliance historique du programme commun de gouvernement semble avoir été perdue. Ne reste que le rêve d’une « remontada » de l’un ou l’autre de ces candidats à l’occasion de la campagne électorale, qui permettrait une alliance à la base des électeurs de gauche faute d’un accord des états-majors, mais cette perspective est pour le moment très improbable. Plutôt qu’un quatre-quarts, nous nous rapprocherions alors d’un mille-feuille à la Macron, en espérant éviter le pire avec ce que mon père désignait sous le nom générique « d’étouffe-chrétien ».