Un « ami » qui vous veut du mal

Nous connaissons donc à présent l’identité du généreux donateur qui a payé les costards de luxe de François Fillon, et nous comprenons aussi pourquoi sa modestie naturelle l’empêchait de faire état de ses cadeaux désintéressés. Inconnu du grand public, Robert Bourgi est un avocat franco-libanais très influent dans ce que l’on a coutume d’appeler la Françafrique. Il doit sa réputation sulfureuse à sa participation, en qualité d’intermédiaire, à des transferts de fonds frauduleux du temps de Jacques Chirac ou Dominique de Villepin. On le soupçonne aussi d’avoir transmis des valises de billets en provenance de dirigeants africains pour le compte de Jean-Marie Le Pen en 1988.

Il a continué à faire le lien entre Nicolas Sarkozy et les chefs d’états africains malgré une suspension de deux ans, dont 6 mois ferme, pour son activité en plein scandale des « biens mal acquis ». Il s’est rapproché de François Fillon après son succès aux primaires de la droite, mais l’aurait peut-être coulé volontairement en payant les deux derniers costumes par chèque, alors qu’il est suspecté d’avoir réglé en liquide 35 000 euros de vêtements pour son nouvel « ami ». Tout comme la girouette d’Edgar Faure, il tourne au gré du vent dominant pour être toujours du côté du plus fort. C’est pour le moins imprudent de la part d’un candidat à l’élection présidentielle de se mettre à la merci d’un personnage sans le moindre scrupule qui n’hésitera pas à le dénoncer à la première saute de vent.

Ça, c’est la version optimiste. Dans la version réaliste, accepter des cadeaux de cette valeur de qui que ce soit, c’est se mettre entre les mains d’un personnage qui voudra tôt ou tard récupérer sa mise en obtenant des avantages. C’est, au minimum, se soumettre volontairement à des conflits d’intérêts potentiels et perdre une partie de son libre arbitre en cas de succès électoral. Quant à la version pessimiste, qui reste à démontrer, c’est celle où l’échange a déjà eu lieu, et où les petits cadeaux qui sont censés entretenir l’amitié ne sont que la partie émergée de l’iceberg, et cacheraient un financement occulte de la campagne présidentielle. Après tout, les affaires Bygmalion et Kadhafi sont là pour démontrer que rien n’est impossible en la matière. L’inflation continue des budgets de campagne ne peut qu’amener à des besoins de plus en plus exorbitants et à la tentation de recourir à des manœuvres illicites pour s’assurer la victoire, coûte que coûte. Nous sommes peut-être à la veille d’un dénouement dramatique dans la croisière du Titanic Fillon, qui ressemble de plus en plus à un naufrage programmé.