L’autre pays du fromage

Les projecteurs étaient braqués sur la Hollande qui tenait hier des élections générales. Le parti populiste d’extrême droite allait-il devenir le premier parti des Pays-Bas, comme certains sondages le prédisaient depuis de nombreux mois ? Le Front national espérait bien un large succès de son homologue néerlandais, qui pourrait faire boule de neige en Europe et accréditer l’éventualité d’une victoire de Marine Le Pen en France. C’est raté pour cette fois, puisque la poussée du Parti pour la liberté du charismatique Geert Wilders, surnommé Mozart pour sa crinière peroxydée, a été limitée.

Nous en serions presque à envier les Hollandais, malgré leur extrême droite créditée d’environ 15 % des intentions de vote depuis plusieurs années, alors que le Front national en espère presque le double en France. La fermeté du gouvernement de coalition vis-à-vis de la Turquie a, semble-t-il, mobilisé les électeurs avec une participation en hausse et atténué le recul du parti libéral qui dirige le pays. Mais l’échec relatif du PVV, qui ne se cache pas d’être islamophobe, xénophobe et anti-européen, ne doit pas masquer un désaveu de l’électorat envers le pouvoir en place et tout particulièrement contre le parti travailliste, qui participait à la coalition sortante et a été laminé en n’obtenant que 9 sièges, au lieu de 38 dans l’assemblée sortante. La stratégie de participation au gouvernement s’est donc révélée perdante, alors que le parti social-démocrate allemand, qui ne fait plus partie de la coalition au pouvoir, semble avoir des chances de l’emporter face à la chancelière Merkel, pourtant très populaire.

Comparaison n’est évidemment pas raison, mais les résultats constatés en Hollande peuvent nous inspirer quelques réflexions. La montée des populismes, constatée dans toute l’Europe et confortée par le Brexit et l’élection de Donald Trump, n’est pas une fatalité. Après le succès du candidat écologiste en Autriche contre le national populiste en 2016, le score du PVV marque un coup d’arrêt réconfortant dans la progression de l’extrême droite. Il apparait aussi que la gauche, ou ce qu’il en reste en France, n’a rien à gagner à cacher son étendard et à avancer masquée dans l’espoir de flatter un électorat qui de toute façon ne lui sera jamais acquis. Dans ce sens, des initiatives comme celle d’Emmanuel Macron, qui brouille à dessein le message en entretenant la confusion idéologique et en ramenant les clivages réels à des querelles de personnes, ne peuvent déboucher que sur des désillusions. Il faut peut-être accepter de reconstruire patiemment une alternative forte et cohérente si l’on veut faire véritablement barrage au Front national, même si cela doit prendre du temps. Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.