La crème de la crème

La fonction de président de la République est la plus haute et la plus prestigieuse qui soit dans notre pays. Il n’est donc pas étonnant qu’elle attire à la fois les plus nobles ambitions et la satisfaction des passions les moins avouables, comme le goût du pouvoir et la vanité personnelle. Dans son immense sagesse, le législateur a prévu de faire une sélection dans les candidatures, afin d’écarter celles et ceux qui ne seraient pas considérés comme sérieux. Une tentative louable, mais toujours démentie par les faits depuis l’origine de l’élection présidentielle au suffrage universel.

Dès 1965, à côté des candidats « sérieux », un inconnu du grand public, Marcel Barbu, a réuni les 100 signatures nécessaires à l’époque pour se présenter. Il n’obtiendra que 279 685 voix, mais défendra un programme plutôt intéressant sur les droits de l’homme ou le référendum d’initiative populaire. Pour accéder à la formidable caisse de résonnance des débats présidentiels, les candidatures se sont multipliées à chaque élection, jusqu’à atteindre le nombre record de 16 en 2002. Depuis, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de durcir les conditions nécessaires pour pouvoir concourir. Le nombre de parrainages a été porté à 500, dont la liste exhaustive est publiée par le Conseil constitutionnel, chargé de valider les candidatures. Les présentations doivent émaner de 30 départements différents et ne pas dépasser 10 % en provenance d’un même département. Seuls les maires, les conseillers départementaux ou régionaux, les parlementaires nationaux et européens, sont autorisés à parrainer un candidat, et un seul.

Les signatures valent donc cher pour les 22 principaux candidats déclarés : seuls 7 d’entre eux ont d’ores et déjà atteint ou dépassé la barre fatidique, alors qu’il ne reste qu’une semaine avant la proclamation des résultats. Si la plupart des candidats en tête dans les sondages ont d’ores et déjà leurs 500 signatures, il y a des bizarreries assez inexplicables dans cette course digne du Vendée globe. Qui connait François Asselineau qui nous promet une sortie de la France de l’Union européenne ? Alors que Jean-Luc Mélenchon, un des ténors de la campagne, peine à trouver ses parrainages, et que Nathalie Arthaud, dont les chances sont objectivement plus réduites, les a rassemblées. Il y a 41 personnes en tout qui se partagent les 9 223 parrainages validés à la date du 10 mars, y compris les 288 signatures en faveur d’Alain Juppé et les 3 pour Yannick Jadot, qui ne sont plus candidats. Et il se murmure que François Hollande aurait des signatures en réserve pour le cas hautement improbable où il changerait d’avis. Il serait temps de réfléchir sérieusement à un nouveau système plus équitable et plus efficace, pour « écrémer » les candidatures.