Mystère et boule de gomme

La France s’est passionnée pour le feuilleton policier de la disparition d’une famille entière dans la banlieue de Nantes, dans des circonstances rocambolesques. Des analogies ont été un peu rapidement tirées avec l’affaire Dupont de Ligonès, dans laquelle c’est le père qui aurait massacré sa propre famille avant de disparaître. Cette fois, les soupçons se sont d’abord portés sur le fils, parce que sa voiture manquait à l’appel. Les enquêteurs ont accrédité la thèse en laissant filtrer des déclarations sur les réseaux sociaux qui faisaient état d’un conflit plus ou moins larvé entre Sébastien et son père.

Cette affaire mystérieuse, qui excitait la curiosité du public, a poussé la presse à en faire trop, comme souvent, alors qu’elle ne disposait d’aucun élément nouveau. Des spéculations à n’en plus finir ont remplacé les informations manquantes. Après le fils, la fille a été soupçonnée, parce que les enquêteurs n’avaient pas retrouvé son ADN dans la maison. Le père était lui aussi présenté comme coupable possible du fait d’épisodes dépressifs et d’un penchant supposé pour la boisson. Bref, après plusieurs semaines d’investigations, que ce soit à Orvault au domicile familial, à Saint-Nazaire où l’on devait retrouver la voiture de Sébastien ou encore dans le Finistère, dont la famille était originaire et où des effets et des cartes de la fille avaient été découverts, les enquêteurs ont obtenu les aveux du meurtrier présumé et de sa complice.

Un peu comme dans les cinq dernières minutes, après une enquête approfondie, la solution est d’une banalité affligeante, dont seule la sauvagerie du mode opératoire est de nature à frapper les esprits. Comme dans la plupart des affaires criminelles, les auteurs faisaient partie du cercle familial, en l’occurrence, le beau-frère et la sœur du père de famille, et leur mobile était apparemment l’intérêt. À la mort du grand-père, Pascal aurait mis la main sur un trésor de guerre constitué d’or de provenance douteuse trouvé sur un chantier, sans vouloir le partager avec sa sœur. Une inimitié profonde le séparait également de son beau-frère, et ils se jalousaient mutuellement. De là à ce que Hubert massacre toute la famille à coups de démonte-pneu et brûle et démembre les corps de ses victimes, il y a évidemment un gouffre, et l’on bascule dans une tuerie insane où le sordide le dispute à l’horrifique. La raison est capable de démonter les mécanismes qui ont présidé aux comportements du ou des meurtriers. Le mobile, même s’il semble disproportionné avec les actes qu’il a inspirés, est compréhensible, mais l’acharnement meurtrier, lui, échappe à toute rationalité. On pense au sang-froid insensé de Tony Meilhon dans le meurtre de Laëtitia Perrais. La folie meurtrière restera toujours un mystère pour moi.