Qu’en termes galants…

… ces choses-là sont mises, s’exclame Philinthe dans le Misanthrope. Qu’aurait-il dit s’il avait connu François Fillon, qui manie à la perfection l’art de la nuance, le sens de la mesure et la capacité à trouver le mot juste, propre à décrire objectivement une situation ? Sans vouloir passer pour pédant, voire cuistre, je ne peux que souligner ici l’emploi judicieux de la figure de style dans ses déclarations empreintes de pondération et dénuées de tout parti-pris. En effet, que dit Chimène à Rodrigue pour lui déclarer sa flamme ? Qu’elle l’aime ? Point du tout.

Elle va lui en dire moins pour suggérer plus, en ayant recours à la litote : « va, je ne te hais point », qui en est devenu le parangon. Comme Rodrigue, le pouvoir judiciaire, qui va mettre François Fillon en examen, doit comprendre que le terme « d’assassinat politique » doit être ici compris dans un sens figuré. Un autre que lui aurait appelé un chat un chat et n’aurait pas hésité à décrire la situation pour ce qu’elle est. La république des juges est en train de procéder à une Saint-Barthélemy à côté de laquelle le massacre des Innocents va passer pour une aimable plaisanterie. Les trois juges d’instruction désignés par le parquet national financier, tels les trois mousquetaires, sont en réalité les quatre cavaliers de l’apocalypse, qui vont dévorer la démocratie et livrer le pays tout entier à des hordes de procureurs mettant la France à feu et à sang et la nation en coupe réglée.

Les signes avant-coureurs ont déjà été dénoncés par le candidat. En effet, à chacun de ses déplacements, plusieurs individus l’accueillent au son de casseroles, faisant régner un climat détestable de « guerre civile », selon ses propres termes. Fichtre ! quelques dizaines de pékins hostiles pourraient mettre en péril des siècles de démocratie, avec la complicité d’un pouvoir dépassé et non dénué de mauvaises intentions, prêt à tout pour écarter le preux chevalier, seul capable de sauver la patrie, y compris au sein de son propre camp. Car, et ce n’est pas le moins inquiétant de l’affaire, on découvre avec consternation qu’aucun plan B, en cas d’empêchement du candidat actuel, n’aurait la moindre crédibilité. Autant dire que, si on laisse assassiner Mozart, aucun Beethoven, aucun Chopin ni aucun Debussy, ne se dressera pour prendre la relève et porter haut le flambeau de la nation triomphante. Pourvu qu’il ne lui arrive rien, est-on tenté de se dire. Le moindre rhume touchant l’homme providentiel pourrait être fatal au destin du peuple tout entier. Et dire que l’on a failli passer à côté de cet homme exceptionnel, pour des broutilles telles que l’honnêteté et le respect de la parole donnée.