Privatisations

La période de la campagne électorale présidentielle est propice aux lobbyistes de tout poil qui y voient une occasion de forcer la main aux politiques dans l’espoir de leur arracher des concessions. La plupart du temps, les grandes manœuvres restent souterraines et peu connues du grand public. C’est ainsi qu’il vous aura peut-être échappé que l’enseignement privé catholique espère obtenir de nouveaux avantages pour accroître son influence par rapport au secteur public de l’éducation. Partant du constat que l’état réserve 80 % de ses financements aux établissements publics et 20 % au secteur privé, le Secrétariat général à l’enseignement catholique appelle à reconsidérer ce ratio.

Fort de ce que la loi Debré lui a accordé en 1959, le SGEC voudrait faire jouer dans ce domaine comme dans celui de l’économie les lois de la concurrence. Il avance le fait que des établissements privés sont amenés à refuser des inscriptions dans certains quartiers, et prétend obtenir le même traitement que les établissements publics. C’est oublier un peu vite que la demande en question est fabriquée par des conditions insuffisantes dans le public et qu’elle n’est plus, en grande partie, liée à la religion catholique. De nombreux musulmans, par exemple, se tournent vers cet enseignement dans l’espoir de faire partie d’une « élite » bénéficiant d’un meilleur encadrement. Sous couvert de « liberté », on a fabriqué un service d’enseignement à deux vitesses, bafouant au passage le principe de gratuité. Les parents de l’enseignement privé paient donc deux fois ce service : une première fois comme contribuables avec leurs impôts, et une deuxième fois comme usagers avec les frais de scolarité.

C’est un peu ce qui attend ceux qui prendront la ligne à grande vitesse Paris-Bordeaux que vient d’inaugurer François Hollande. Le chantier, pharaonique, aura coûté 7,8 milliards d’euros, financés par un groupe lié à Vinci, lequel disposera d’une concession de 50 ans pour se rembourser de ses investissements. On peut faire confiance à l’entreprise de BTP, déjà concessionnaire de la plupart des autoroutes françaises au travers de ses filiales, pour se rémunérer grassement au passage. Ce sera donc, à ma connaissance, la première fois que les passagers devront s’acquitter d’un péage pour utiliser le train. Le directeur de la SNCF n’a pas encore communiqué sur l’incidence de ce racket sur les tarifs qui seront pratiqués, mais il est certain que ce ne sera pas négligeable. Au moment où beaucoup de candidats pratiquent la surenchère sur le nombre de postes de fonctionnaires qu’ils comptent supprimer s’ils sont élus, les électeurs feraient bien de réfléchir aux conséquences immédiates sur leur porte-monnaie des privatisations qu’une telle politique de manquerait pas d’entrainer.