À pleurer de rire, vraiment ?

Vous connaissiez peut-être ces deux gamins de banlieue propulsés au rang d’arbitres des élégances sous le pseudonyme des « kids » du Bondy blog, découverts notamment par Pascale Clark sur France Inter. À 25 ans à peine, Mehdi et Badrou avaient droit à leur chronique régulière pour témoigner de leur vision du monde. Personnellement, je n’ai jamais pu me faire au ton pseudo-poétique dont ils habillaient leurs propos généralement gentillets et consensuels. Leurs dialogues me hérissaient le poil, et je continue à trouver très surfaite la réputation accordée à quiconque sait écrire en habitant un quartier difficile.

J’étais néanmoins très loin de m’imaginer que l’un de ces deux garçons, Mehdi Meklat, publiait depuis des années des tweets injurieux à caractère raciste, homophobe ou sexiste sous le pseudonyme de Marcelin Deschamps. Le secret de polichinelle a été éventé par Johan Sfar sur le plateau de La grande librairie. Les messages de Mehdi, exhumés à cette occasion, sont éloquents. Il y fait l’apologie du terrorisme, défendant aussi bien Hitler que Ben Laden ou Merah, déverse des torrents d’insultes à l’égard des juifs, ou de personnalités qui lui déplaisent, le tout sous couvert d’humour. Un humour bien caché cependant, que seuls des journalistes tels que le directeur des Inrocks à une certaine époque jugeaient « à pleurer de rire ». La défense de Mehdi est bien faible, lui qui prétend avoir créé ce personnage pour provoquer les réactions, s’est senti obligé de supprimer la plus grande partie des 50 000 tweets de son compte pour ne garder que les 500 présentables. Son ami Mouloud Achour l’avait pourtant mis en garde. Sur internet, rien ne se perd, et comme il le lui avait prédit, ses écrits lui sont revenus en boomerang.

La lecture de ces messages injurieux est de nature à vous donner la nausée, et il est trop facile d’invoquer une sorte de dédoublement de la personnalité, ou d’un syndrome de Gilles de la Tourette qui l’aurait poussé à ce déversement haineux et honteux. Tout porte à croire au contraire que Marcelin Deschamps exprimait la vraie nature et la « pensée » profonde de Mehdi Meklat. Ce serait plutôt le personnage public du gentil kid de banlieue qui serait fabriqué de toutes pièces, dans un but de dissimulation de ses pulsions, afin d’acquérir la notoriété et la respectabilité qui lui permettent de vivre confortablement. Finalement, Mehdi Meklat est allé encore plus loin que Dieudonné dans la provocation, en en étant complètement conscient et responsable, et il est sidérant que ses agissements aient été tolérés si longtemps, alors que le milieu médiatique en était informé depuis toujours. À pleurer ? Oui, mais certainement pas de rire.

Commentaires  

#1 jacotte 86 21-02-2017 11:15
j'ai découvert le phénomène ce matin.... ce qui me consterne en plus de l'ignominie du personnage,c'est le rôle des médias qui brulent aussi vite ce qu'ils ont adorés ,dans tous les domaines , c'est certes un contre pouvoir mais capable du pire comme du meilleurs.
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