Y a bon bamboula ?

Il aura fallu une remarque malheureuse d’un syndicaliste Unité Police SGP-FO sur l’antenne de C dans l’air pour attirer l’attention sur la dimension raciste potentielle de l’affaire Théo. Ce porte-parole syndical a jugé bon de relativiser l’insulte raciste « bamboula » en la qualifiant d’à peu près convenable. Il a eu beau s’excuser après coup de cette maladresse, le mal était fait et a d’autant plus choqué le public que cette expression reflète bien l’air du temps. Si ce policier n’est pas connu pour avoir professé d’idées discriminatoires, il n’en est pas moins exemplaire du climat détestable de suspicion qui règne actuellement.

Il n’est pas douteux que les contrôles policiers dits « au faciès » ne font que croître et embellir. Les mesures qui permettraient de les limiter sont refusées par les agents sous prétexte de paperasse et de bureaucratie supplémentaire. Si nous n’en sommes pas au point des États-Unis où la plus grande partie de la population pénale est composée de noirs, nous en prenons clairement le chemin. Il est avéré que notre passé colonialiste a durablement marqué les esprits et que notre société reste traversée par des préjugés qui se traduisent par des expressions du type « bamboula ». Il n’y a pas si longtemps, c’est l’ancienne ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui faisait l’objet d’un odieux photomontage la comparant à une guenon, de la part d’une élue du Front national. La police, nationale ou non, ne fait que traduire l’état de la société et il n’est pas reluisant.

Le joueur de football italien de Nice, Mario Balotelli, s’est plaint du comportement des supporters corses de Bastia, qui ont sifflé sa présence et accompagné sa prestation de cris de singe. Ce n’est malheureusement pas une première, car de nombreux joueurs de couleur, dont Basile Boli, ont eu à subir de telles insultes racistes au long de leur carrière. Si nous avons pour la plupart abandonné le racisme « à la papa » qui se présentait sans camouflage dans la « pureté » de l’origine quand les thèses de la suprématie de la race blanche avaient encore pignon sur rue, l’âge d’or des slogans du type « y a bon, Banania » qui ne choquaient personne, le racisme sournois, rampant, a encore de beaux jours devant lui. Qu’il soit visible ou dissimulé derrière le paravent du langage politiquement correct, il ressort à la moindre occasion et peut expliquer des différences de traitement, incompréhensibles sinon. Le racisme ne touche pas que les noirs, mais beaucoup d’entre eux. Le risque est d’en faire une communauté basée sur le sentiment d’exclusion, une tendance sur laquelle a pu prospérer une idéologie malfaisante comme celle de Dieudonné.