Le rebelle

Alors que la gauche cherche encore son champion, la droite s’apprête à investir officiellement son candidat à l’élection présidentielle, vainqueur incontesté de la primaire, François Fillon. Finalement, les Français le connaissent peu ou mal. Il a levé un coin du voile en proclamant fièrement sa foi chrétienne, comme un étendard suffisant à le définir complètement, mais dans le même temps il s’est déclaré gaulliste et peu auparavant, il se présentait comme un paysan sarthois. Il a aussi révélé sa vraie nature en délivrant sa recette des pâtes aux saucisses chez Karine Le Marchand. Mais qui est-il vraiment ?

Un aspect méconnu du personnage, c’est qu’il a toujours contesté l’autorité. Déjà, au collège, il est exclu pour avoir jeté une ampoule lacrymogène en cours. Il récidive au lycée en menant une fronde contre un professeur qu’il juge incompétent. Être calife à la place du calife, déjà. Tout au long de sa scolarité, il s’attire les commentaires de ses professeurs par son indiscipline. Un trait de caractère qui le poussera à ne jamais exercer un vrai travail, mais ne l’empêchera pas, curieusement, de se mettre au service de ses mentors successifs, depuis le député Joël Le Theule, dont il sera l’assistant parlementaire avant de lui succéder après sa mort due à un malaise cardiaque. La baraka ne le quittera plus. Proche de Seguin, puis de Balladur, de Chirac, de Raffarin et enfin de Sarkozy, il prend tous les trains en marche. Ses convictions « gaullistes » ne semblent pas gêner les zigzags de son parcours.

Le paysan sarthois est né François Charles Amand Fillon, d’un père notaire et d’une professeure d’université. Il habite une modeste demeure, que d’aucuns baptisent manoir ou même château, sous prétexte de ses 14 chambres et de ses six hectares de terrain, complaisamment photographié par Paris-Match pour un publireportage électoral, à Beaucé, non loin de Solesmes, où son épouse, Pénélope, avocate de son état est conseillère municipale. Fort d’un diplôme d’études approfondies en droit, il exercera sa profession de paysan dans tous les ministères, presque sans discontinuer. Car ce VRP multicarte a réussi à ne jamais pointer au chômage sans jamais exercer un véritable métier, même pas celui d’avocat fictif comme tant de ses collègues. Après un tel parcours sans faute, ce serait dommage d’échouer si près du but. Pourtant, ses positions sur la sécurité sociale ont fait grincer quelques dents, mais surtout son obstination à défendre le non-cumul des mandats pourrait lui attirer l’inimitié tenace des anciens soutiens de Sarkozy, dont certains n’ont pas désarmé. Une querelle qui pourrait éclipser la fameuse controverse sur les rillettes et la suprématie revendiquée de la spécialité du Mans sur celle de Tours.