L’arroseur arrosé

Y aurait-il une justice immanente ? Ou serait-ce la réponse de la bergère au berger ? Alors que l’administration américaine a contribué à la défaite d’Hillary Clinton en novembre dernier, elle pourrait bien créer un scandale à la veille de l’intronisation de Donald Trump à la présidence des États-Unis. L’affaire des emails privés de la candidate démocrate a empoisonné la fin de sa campagne et l’attitude du directeur du FBI, en relançant l’enquête, pour finalement n’engager aucune poursuite, a été tout sauf claire, si l’on exclut la malveillance pure et simple.

À cette époque déjà, beaucoup ont vu la main de Moscou derrière cette affaire, le Kremlin n’ayant jamais caché ses préférences pour le milliardaire républicain. Des soupçons relancés par les accusations de manipulations informatiques ayant pu fausser le vote électronique lui-même. Cette fois, ce sont les services de renseignement qui auraient alerté le président élu sur une affaire extrêmement embarrassante et l’existence d’une vidéo compromettante tournée en 2013 à Moscou, mettant en scène le futur président en compagnie de prostituées se livrant à des activités sexuelles passablement glauques. Éloignez les enfants du poste, il serait question de « golden shower », de douche dorée, un euphémisme pour désigner le fait d’uriner sur quelqu’un à des fins d’humiliation. On s’amuse comme on peut au pays des milliardaires. Naturellement, l’intéressé dément catégoriquement et les services secrets russes affirment ne détenir aucune information de cette nature concernant Donald Trump, ce qui ne prouve rien, ni dans un sens ni dans l’autre.

Cette histoire, vraie ou non, risque de faire beaucoup de tort au 45e président américain, car elle est crédible, à défaut d’être avérée. Le mépris affiché pour la gent féminine, le soutien intéressé de Wladimir Poutine, la tentation de peser dans l’élection américaine, le souhait de manipuler le futur président, de l’amener à des positions conciliantes, tout est vraisemblable. Lui qui a mené campagne par l’épée des déclarations tonitruantes, du dénigrement systématique de ses adversaires, des insultes à l’égard des femmes, des noirs, des latinos, des homosexuels, va peut-être périr par le glaive des accusations non vérifiées d’un journal à scandale. Curieusement, il s’est mué en défenseur intransigeant de l’objectivité, lui dont le fonds de commerce était le dérapage incontrôlé et le politiquement incorrect. Avec le sens de la mesure qui le caractérise, il se dit victime d’une persécution médiatique digne de l’Allemagne nazie. Pas moins. De quoi gâcher sa cérémonie d’investiture, déjà compromise par la difficulté de trouver une seule vedette du show-biz prête à chanter pour lui, sauf à poser ses conditions : interpréter « Strange fruit », un hymne antiraciste, pour Rebecca Ferguson, ou publier la feuille d’impôt du nouveau président, pour Moby.