Un Brutus au petit pied

Décidément, il y a embouteillage pour tenir la place pourtant peu enviable de meilleur traitre envers le président sortant. Tous ceux qui se précipitaient autrefois pour voler au secours de sa victoire se dépêchent à présent de sortir la kalachnikov pour mitrailler l’ambulance élyséenne. Le dernier en date a pour nom Aquilino Morelle, qui espère sortir des oubliettes de l’histoire où il était tombé en étant démissionné de son poste de conseiller politique du président en avril 2014.

Aquilino Morelle nous gratifie donc d’un ouvrage de confidences parfaitement dispensables, où il dresse une charge du président Hollande sur le thème rebattu de son incapacité supposée à décider. Selon les bonnes feuilles qui ont commencé à circuler, François Hollande aurait abdiqué dès le début de son quinquennat, bien avant d’annoncer sa décision de ne pas se représenter. Il semble surtout lui reprocher une décision, celle de se séparer de lui à la suite d’accusations de conflit d’intérêts portées par Médiapart. D’après le journal d’investigation, Aquilino Morelle aurait continué à travailler pour un laboratoire pharmaceutique danois pendant qu’il exerçait ses fonctions à l’Inspection générale des affaires sociales et sanitaires. On se souvient également de l’histoire du cireur de chaussures qui venait lui faire les pompes dans une annexe de l’Élysée et qui symbolisait le décalage avec l’électorat populaire qui avait voté Hollande en 2012.

Cet opuscule de plus de 400 pages ressemble donc furieusement à une vengeance, où Aquilino Morelle n’a même pas l’élégance de remercier le Président pour ce moment où il lui a donné sa confiance. Lorsque Jules César a été assassiné, ils étaient 23 sénateurs conjurés. Chacun y est allé de son coup de poinçon, mais un seul était véritablement mortel, et la blessure la plus douloureuse a été celle du protégé de César, qui lui a fait prononcer la célèbre phrase, « toi aussi, mon fils ». Ce n’est pas l’ouvrage de l’ancien conseiller qui achèvera François Hollande. Tout au plus enfoncera-t-il un clou supplémentaire dans le cercueil présidentiel. Manuel Valls et Emmanuel Macron continueront de se disputer la palme du meilleur Brutus, qui aura porté le coup décisif à celui qui leur a permis d’être ceux qu’ils sont. Si Aquilino Morelle a raison de critiquer François Hollande, ce n’est pas pour avoir refusé de décider, mais pour avoir abandonné la ligne qui lui a permis de se faire élire, celle du discours du Bourget, inspiré en grande partie par le conseiller qu’il était déjà. Mais ce sont les Français qui sont en droit de se sentir trahis, et non pas un obscur vizir retourné à l’anonymat. Car les conseilleurs… vous connaissez la suite.