Profession : chrétien

Ce n’est pas pour rien que les candidats à une élection baptisent leur programme « profession de foi ». Il est évidemment important que les électeurs soient informés sur les convictions politiques de ceux qui briguent un mandat et sollicitent des votes en leur faveur. Il est non moins utile qu’ils donnent leur sentiment sur les principaux sujets sur lesquels ils pourraient être amenés à prendre des décisions au cas où leurs concitoyens leur accorderaient leur confiance. En revanche, leurs croyances éventuelles sur le plan religieux n’ont rien à faire dans une campagne électorale.

Que François Fillon soit chrétien, cela le regarde et concerne sa vie privée. Il a la chance d’habiter dans une démocratie laïque, qui lui garantit, comme à tous, l’exercice de sa religion et la liberté d’avoir les convictions qui lui chantent, d’être croyant ou d’être athée, selon son choix. C’est une grande conquête sociale que d’être affranchi de toute forme de religion d’État. Il suffit d’observer ce qui se passe dans les théocraties pour s’en convaincre et même dans les démocraties faisant allégeance à la religion en faisant prêter serment sur la bible par exemple. Sans aller chercher bien loin, il y a seulement une cinquantaine d’années, pour se faire embaucher par l’ancêtre des grandes surfaces, les grands magasins Decré à Nantes, il fallait présenter son certificat de baptême. Un bel exemple de discrimination à méditer par François Fillon, qui feint de penser que sa seule « qualité » de chrétien garantit un comportement exemplaire vis-à-vis de la dignité humaine et de la solidarité. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler qu’y compris des prêtres catholiques n’ont pas toujours été exempts de comportements que la morale réprouve, et que les guerres de religion et la Sainte Inquisition ont, en leur temps, causé bien des malheurs au nom de la croyance.

Si les convictions religieuses de François Fillon ont un intérêt, ce serait du fait qu’il se croit obligé de les brandir comme un étendard, dans un but qui ne peut pas être innocent, celui de rallier les suffrages de la frange la plus traditionaliste de l’électorat. La liberté de culte n’exige pas de proclamer sa foi sur la place publique. En revanche, François Fillon « bénéficie » du soutien de groupes liés à la hiérarchie catholique, tels que ceux qui ont formé le plus gros des bataillons de la manif pour tous, et il est clair qu’il leur donne des gages par cette déclaration, ceux de leur renvoyer l’ascenseur s’il parvient au pouvoir. Dois-je rappeler qu’il s’agira d’élire un président et non un pape en mai prochain, et que les candidats sont priés d’éviter tout prosélytisme religieux déplacé dans cette campagne ?