Cent fois sur les chantiers

La construction navale française, après avoir été un fleuron de l’industrie, était devenue un boulet jusqu’à une époque relativement récente. La vogue des paquebots de croisière et la construction de géants des mers toujours plus nombreux et plus imposants ont redonné un second souffle aux anciens Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire, repris par le coréen STX. À Saint-Nazaire, le slogan « quand le bâtiment va, tout va » est plus qu’ailleurs d’actualité. En effet, si STX France emploie directement seulement 2 000 personnes, il fait vivre toute la région par la sous-traitance et les retombées économiques.

C’est donc un secteur stratégique et l’état français possède une minorité de blocage en détenant un tiers du capital depuis le rachat des parts d’Alstom. Paradoxalement, les commandes récentes, qui assurent la pérennité de l’entreprise pour les 5 années à venir, ne suffisent pas au groupe coréen pour garantir son équilibre financier et il est donc contraint de vendre son unique branche profitable. Le seul repreneur à avoir fait une offre est un concurrent direct, l’italien Fincantieri, qui pourrait être tenté de délocaliser certaines activités, de supprimer des doublons industriels et commerciaux, et pire encore, de laisser filer des transferts de technologie vers la Chine, avec qui il a déjà passé des accords dans ce sens. On comprend pourquoi les syndicats et les élus locaux se mobilisent et s’inquiètent de la tournure des évènements. Le secrétaire d’État à l’industrie a tenté de les rassurer en se rendant sur place, mais il faudra plus que de bonnes paroles et des déclarations d’intention, comme on en a trop souvent entendu qui sont restées lettre morte. Même si l’état est perpétuellement fauché, il devrait songer à mettre la main au portefeuille pour garantir les intérêts nationaux et ne pas laisser péricliter une activité aujourd’hui florissante.

Soit il porte sa participation à la majorité de 51 %, soit il fait appel à la DCNS où il a une participation majoritaire pour contrôler la stratégie du groupe, dans lequel pourrait se retrouver également la région Pays de Loire et des clients tels que MSC ou la Royal Caribbean. Ce serait l’occasion de rattraper l’erreur historique de 2007 quand l’état s’était contenté de ses 33,3 % face au repreneur sud-coréen comme partenaire unique. Faute de quoi, il lui faudrait faire face à une combativité légendaire, mais bien réelle, des ouvriers nazairiens, habitués aux conflits durs pour défendre leurs intérêts et souvent même leur survie. Quelle que soit l’issue des tractations qui s’annoncent, les grands oubliés risquent fort d’être encore et toujours les travailleurs détachés plus ou moins légalement, victimes des conditions drastiques imposées par la maison mère à ses sous-traitants, ce qu’un état actionnaire majoritaire ne devrait pas tolérer.