Le jour d’après

La sidération des commentateurs politiques après l’annonce surprise de la non-candidature du président sortant à sa propre succession n’aura pas duré très longtemps. Tous ceux qui n’avaient rien vu venir s’empressent de nous expliquer que cette décision est des plus logiques et qu’à la vérité le président Hollande ne pouvait pas en prendre une autre. Quel dommage que leur clairvoyance s’applique uniquement au passé ! Du coup, je serais enclin à prendre leurs nouveaux pronostics avec une certaine prudence. Il s’en trouve même quelques-uns pour affirmer avec aplomb qu’ils avaient l’intime conviction que le président ne se représenterait pas.

Ils n’ont pas dû claironner suffisamment fort leur opinion, car leur avis est passé totalement inaperçu. Alors quand ce sont les mêmes qui expliquent les règles qui devraient présider à notre vie politique à l’avenir, je ne peux me départir d’une certaine réserve, si ce n’est une franche méfiance. Par exemple, si l’on en croit ces donneurs de leçon, si François Hollande avait été battu à la primaire il n’aurait pas pu prendre la moindre décision pendant la fin de son quinquennat. D’ailleurs, il en irait de même à présent qu’il a renoncé à se présenter. À les écouter, le même problème se présenterait si Manuel Valls était candidat tout en restant 1er ministre. Je sais bien que les responsabilités de conduire notre grand et beau pays, la France, sont beaucoup plus écrasantes que la direction des minuscules États-Unis d’Amérique, mais il semble que les présidents américains n’éprouvent pas ce genre de difficultés.

Un président sortant américain mène campagne tout en restant à la tête de l’Union, et lorsqu’il arrive en fin de son 2e mandat, il ne considère pas qu’il n’a plus autorité sur la politique de son pays. Et si François Hollande, après avoir beaucoup déçu ceux qui avaient cru à son discours du Bourget, en profitait pour prendre des initiatives plus progressistes ? Après tout, il n’a plus rien à y perdre, n’étant pas soumis à l’obligation de conquérir un électorat. Il a, au contraire, tout à y gagner. Son renoncement lui a valu l’estime des Français en prouvant qu’il était capable de faire passer l’intérêt de son pays et de sa famille politique avant sa propre carrière. Il y a de grandes chances qu’il bénéficie de l’effet Chirac, beaucoup plus populaire depuis qu’il n’est plus Président. Il va avoir très rapidement une première occasion de manifester sa liberté retrouvée, en accordant une grâce présidentielle totale à Jacqueline Sauvage. Il prouverait ainsi qu’il est capable de ne pas se contenter de demi-mesures et qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire.