La balle au centre

Les politologues distingués, dont je ne suis pas, nous expliquent qu’une élection présidentielle en France se gagne au centre. Le raisonnement est imparable, du moins sur le papier. Les électeurs les plus convaincus de chaque bord ne changent pas ou peu d’avis et continuent à voter pour leur camp, de droite ou de gauche, quelles que soient les circonstances et indépendamment des candidats. Ce sont les plus hésitants, ceux qui balancent entre droite et gauche, ceux qui n’ont pas de convictions établies, qui deviennent les arbitres dans une élection majoritaire à 2 tours.

Il suffit en effet de déplacer quelques pour cent de ce marais électoral pour faire pencher la balance en sa faveur et remporter la mise. Ce qui fait des électeurs centristes la cible de choix des formations politiques. Il ne faut pas chercher plus loin l’explication du terme « primaire de la droite, et du centre ». Qui a vu un centriste dans le débat télévisé qui a opposé les 7 candidats de cette fameuse primaire ? Six d’entre eux appartiennent à la formation Les républicains et se sont disputé le privilège d’apparaître comme le plus conservateur et le plus réactionnaire du lot, sur le mode « plus à droite que moi, tu meurs ». Quant au septième, très largement inconnu du grand public, il représente le parti chrétien-démocrate dont il a pris la présidence, succédant à Christine Boutin, qui n’a jamais passé pour centriste et dont les positions sur les questions de société sont plutôt à droite de la droite, et plus si affinités. Jean-Frédéric Poisson est un transfuge de la défunte UMP où il incarnait un courant ultra-réac, pourfendeur du mariage homosexuel, farouche opposant à toute évolution de la famille traditionnelle, hostile à la PMA, la GPA, favorable à la restriction de l’accès à l’IVG, j’en passe et des moins mûres.

Jean-Frédéric Poisson ne fait pas mystère de ses sympathies à l’égard du FN. Il a participé aux rencontres de Béziers en mai dernier, répondant à l’invitation de son maire, Robert Ménard, qui tentait un rapprochement entre droite et extrême droite. Il soutient la candidature de Donald Trump aux États-Unis. Enfin, dernier titre de gloire pour ce démocrate sincère, son entrevue d’une heure en Syrie avec le dictateur, bourreau de son peuple, Bachar Al-Asad, ravi de cette reconnaissance, le 12 juillet dernier. Voilà donc le personnage sympathique qui se présente à vos suffrages et qui serait supposé incarner la modération et la tempérance attribuées au centre en politique. Il parait quand même assez mal placé pour reprendre le flambeau du rêve giscardien de rassembler 2 Français sur 3, plus que jamais relégué au chapitre des chimères.