Les soigneurs dehors

Cette expression nous vient de la boxe où les « hommes de coin » sont autorisés à panser les blessures éventuelles de leurs poulains et leur prodiguer les soins nécessaires pendant la minute de récupération entre les rounds. Le besoin de « soigneurs » de toute sorte dans le milieu sportif a pris les proportions d’une institution, au point que l’on se demande comment de tels « malades » peuvent encore pratiquer leur activité en dehors de toute assistance médicale. Dernièrement, c’est le champion de boxe Tyson Fury qui était contrôlé positif à la cocaïne, alors qu’il avait demandé le report de son combat pour raisons médicales.

Le boxeur est un habitué des traitements de choc, puisqu’il avait déjà également été convaincu de dopage à la nandrolone. Ce qui résume les objectifs de ces pratiques : d’une part, l’amélioration frauduleuse de la performance avec des produits anabolisants développant la masse musculaire, d’autre part, et ce n’est pas le moins dangereux, la neutralisation de la douleur qui permet de dépasser le seuil d’alerte de l’organisme soumis à des efforts excessifs. Et c’est ce dernier aspect qui est au cœur de la polémique autour des trois joueurs de rugby appartenant au même club parisien chez qui l’on a retrouvé des traces de corticoïdes. Ces dérivés de la cortisone sont des anti douleur et leur usage fait l’objet d’un règlement à géométrie variable. Autorisés en infiltration locale, ils sont proscrits par voie orale sous forme de comprimés. Impossible de savoir a postériori le mode d’administration, et surtout reconnaissance implicite de la possibilité de pratiquer même en étant blessé.

On assiste à une dérive généralisée vers une pratique sportive médicalement assistée, consacrée par les fameuses AUT, autorisations à usage thérapeutique, accordées de plus en plus facilement. Les clubs sont tous pourvus désormais d’un staff médical particulièrement développé, dont le rôle devient de plus en plus flou, navigant sur la frontière étroite entre la préservation de la santé et l’amélioration de la performance. L’agence britannique anti dopage enquête sur les AUT délivrées à Bradley Wiggins et à Christopher Froome qui leur ont probablement donné un avantage décisif lors de leurs victoires sur le tour de France, pour soigner un asthme hypothétique. Sans porter une suspicion généralisée sur les médecins qui délivrent ces autorisations, force est de constater qu’ils se trouvent au centre de conflits d’intérêts, étant rémunérés par les clubs, ils auront naturellement tendance à les privilégier. Il y aurait bien sûr une façon radicale de traiter le problème, et ce serait d’interdire aux sportifs de pratiquer quand ils sont malades ou blessés, et de faire respecter cette règle par un corps médical indépendant. Les soigneurs, dehors !