La taupe

On se souvient de l’affaire Guillaume, cet espion de la Stasi qui avait réussi dans les années 70 à infiltrer la chancellerie de la RFA jusqu’à devenir un des conseillers de Willy Brandt et avoir ainsi accès à des documents ultra-secrets pour le compte de l’Allemagne de l’Est. C’est la révélation de l’activité d’espionnage de Günter Guillaume qui entraînera la chute et la démission du Chancelier de l’Allemagne fédérale en 1974. Les journalistes d’investigation du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ont fait encore plus fort, en recrutant comme source le président de la République en personne.

On s’était déjà demandé qui était l’informateur du Monde quand ces deux mêmes journalistes avaient sorti le scoop sur une demande d’intervention de l’Élysée sollicitée par François Fillon pour empêcher le retour de Sarkozy en 2014. Si la conversation avait bien eu lieu avec Jean-Pierre Jouyet, ancien secrétaire d’État de Sarkozy et secrétaire général de l’Élysée, une sorte d’agent double en somme, la fuite provenait probablement de la taupe présidentielle elle-même. Si François Hollande s’était contenté de déballer des vacheries contre ses adversaires politiques, on aurait pu considérer que le procédé manquait d’élégance, mais que la fin justifiait les moyens. Malheureusement pour lui, il a surtout passé son temps dans ces conversations secrètes à se tirer des balles dans le pied en pratiquant un exercice de transparence qui ne le fait pas apparaitre sous le jour le plus flatteur. Il s’est livré pieds et poings liés en renonçant par avance à tout droit de regard sur le montage final et sans maitriser la date de parution de cet ouvrage de confidences.

Si l’on comprend les motivations des maitres-espions qui se rendent coupables de cette « intelligence avec l’ennemi », qu’ils agissent par conviction, par appât du gain ou sous la menace, on voit mal ce qui a poussé Hollande à cette forme de suicide politique. Il ne pouvait pas ignorer l’effet dévastateur que ses déclarations provoqueraient ni l’exploitation que ses rivaux et adversaires ne manqueraient pas d’en faire. S’il est vrai que les personnages publics ne peuvent pas durablement conserver secrets les épisodes de leur vie intime, rien ne les oblige à les mettre en permanence sur la table. J’en veux pour preuve la parution presque simultanée des lettres envoyées par François Mitterrand à sa compagne cachée, Anne Pingeot, dans un ouvrage posthume. Si l’opportunité de cette publication ne m’apparait pas évidente, du moins n’a-t-elle pas d’incidence sur la vie politique contemporaine. Un personnage public, et spécialement un président de la République, se doit à lui-même et à ses compatriotes de respecter la fonction qu’il incarne. François Hollande n’aura pas fait mieux que son prédécesseur sur ce plan-là.

Commentaires  

#1 jacotte 86 15-10-2016 12:08
il démontre de plus en plus qu'il est loin d'avoir la stature d'un chef d'état ce dont j'ai toujours douté. Après dehors les soigneurs , j'ai presque envie de dire , dehors les chefs d'état douteux!!!
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