L’âne de Belfort

Ce gouvernement est tellement impopulaire qu’on a l’impression, quoi qu’il fasse, ou ne fasse pas, il ne peut échapper à toutes sortes de critiques. Il est en cela semblable à ce meunier, dont Jean de La Fontaine nous narre l’histoire, désireux de vendre son âne à la foire, qui décida de le porter avec son fils, afin de lui conserver force et vigueur. Devant la critique, il choisit de faire monter son fils et de suivre à pied, puis changeant à nouveau d’avis, il inverse les rôles avant de prendre son fils en croupe, puis d’aller tous deux à pied.

La fermeture annoncée de l’usine Alstom de Belfort a placé le gouvernement dans une situation impossible : s’il ne faisait rien, il était rendu responsable de la perte de leurs emplois des 400 ouvriers du site. Condamné à agir, il s’exposait immédiatement aux critiques contradictoires venant de tous les horizons. Je n’ai pas les compétences requises pour juger de la pertinence du dispositif imaginé par des fonctionnaires du ministère concerné, mais il semble que les commandes passées par l’état soient de nature à permettre au site de passer le cap difficile des quelques années à venir, en attendant une stabilisation du plan de charge de l’entreprise. Du côté du verre à moitié plein, cher à mon invitée du dimanche, on note la satisfaction des syndicats locaux, qui s’empressent de revendiquer le mérite de ce sauvetage, mis au crédit de la mobilisation ouvrière. Le verre à moitié vide, quant à lui, fait état d’une incertitude sur les effets à moyen terme de ce plan de sauvetage. Le spectre de Florange plane toujours sur les perspectives d’avenir de l’industrie française.

Les contempteurs de ce projet font état d’une dépense excessive, à des fins électoralistes, dans cette période proche de l’échéance présidentielle. Fallait-il pour autant abandonner les salariés d’Alstom en rase campagne ? Il est cependant un point qui me chagrine. Il me semble acquis que la direction de l’entreprise a utilisé la situation pour obliger l’état à lui passer des commandes, directement ou par l’intermédiaire de la SNCF, qu’elle n’aurait peut-être pas obtenues dans le cadre des appels d’offres habituels. La satisfaction du PDG, Henri Poupart-Lafarge, en dit long à ce sujet. Le succès de cette stratégie de chantage à l’emploi, qui n’est malheureusement pas nouvelle, risque bien de l’inciter à recommencer, si d’aventure le carnet de commandes venait à faiblir à nouveau. Car ce monsieur Poupart-Lafarge me semble tout sauf un âne. Serait-ce lui, le fameux lion de Belfort ?

Commentaires  

#1 jacotte 86 06-10-2016 11:23
tant d'érudition force mon admiration...je me coucherai moins bête ce soir et irai relire La Fontaine
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