Grand concours d’enfumage

La nature a horreur du vide, c’est bien connu. Comme pour les futures élections présidentielles, ce n’est pas le manque de candidats qui est à craindre, mais le trop-plein, comme l’avait annoncé le général de Gaulle à propos de sa succession. En attendant l’échéance électorale, le Président et son Premier ministre rivalisent d’ingéniosité pour occuper le terrain médiatique. À tout seigneur, tout honneur, c’est Emmanuel Macron qui a dégainé le premier en évoquant la possibilité d’une « convention citoyenne » sur les temps scolaires, un vieux serpent de mer permettant d’éviter les questions qui fâchent encore plus, comme celles des retraites ou des impôts.

En opposant des catégories de citoyens, il s’agit de détourner l’attention en s’attribuant le beau rôle de donner la parole aux Français dans un bel exercice de démocratie directe portant sur l’organisation des temps scolaires sans traiter les problèmes de fond comme la reproduction des inégalités sociales par l’école, tout en désignant les boucs émissaires habituels : les enseignants qui auraient trop de vacances et ne travailleraient pas suffisamment. Au mieux, si quelque chose de positif devait sortir de ce vaste « brainstorming », il terminerait sa course dans les oubliettes de l’histoire, à côté des cahiers de doléances des Gilets jaunes, soigneusement enterrés pour l’édification des générations futures. Encore plus fort, François Bayrou, qui n’était que de passage à Matignon, commence à croire à un avenir dans son poste de Premier ministre, au point de lancer l’idée d’organiser un référendum afin de faire adopter un plan de réduction des déficits pour un budget 2026 introuvable.

La ficelle est grosse, voire énorme. Seul le président en exercice a le pouvoir de convoquer la tenue d’une telle consultation, et il préfèrera toujours suivre son propre agenda. Ce qui est logique puisque généralement, le peuple souverain vote pour ou contre le président, plutôt que sur la question posée. La popularité d’Emmanuel Macron est si basse qu’un référendum serait suicidaire en ce moment. L’objet de cette consultation est extrêmement flou et je souhaite bon courage à celui qui devra rédiger la question, et aux Français pour y répondre. Et si l’affaire allait jusqu’à son terme, que le résultat était, comme c’est probable, un refus pur et simple, une fin de non-recevoir, que resterait-il au pouvoir en place pour légitimer son action, à part une nouvelle dissolution sans aucune garantie de trouver une majorité plus claire, ou une démission du Président de la République obligeant la tenue d’élections anticipées ? On voit par là que certaines idées d’apprentis sorciers, à première vue anodines, peuvent déboucher sur des logiques aventuristes et précipiter le pays dans une instabilité dommageable, ouvrant grand la porte à la menace de droite extrême qu’elles prétendent combattre.