Tous nos vœux

Hein ? Quoi ? Comment ? Déjà ? J’ai loupé quelque chose ? Ah ! oui, je sais, entre deux déclarations de guerre, le président Macron a trouvé le temps d’adresser une lettre de vœux à Albert II de Monaco pour fêter ses 66 ans, qui font l’objet de célébrations dans toute la Principauté, mais, chut ! il ne faut pas le dire, pour conserver l’effet de surprise lié à la spontanéité des manifestations de sympathie du peuple envers son monarque, le prince héréditaire depuis l’an de grâce 2005 quand il a accédé au pouvoir sur le deuxième plus petit état du monde après le Vatican.

Le président français lui doit donc le respect du fait de l’âge, de l’antériorité, et du statut, lui qui n’est « que » monarque républicain et il lui donne donc du Monseigneur long comme le bras. Tout juste s’il ne lui propose pas de toucher sa bosse. Cette lettre tombe en réalité à point nommé, car la principauté fait l’objet de scandales préjudiciables aux affaires, après les révélations gênantes de Claude Palméro, l’ancien administrateur des biens du Prince, dans « les dossiers du Rocher », et « les cahiers secrets » publiés dans le Monde. Des révélations suffisamment gênantes pour éveiller la curiosité du Conseil de l’Europe qui a mandaté une enquête confiée à Moneyval, et de l’OCDE qui va éplucher les comptes par le biais du Groupe d’action financière, en vue de lutter contre le blanchiment, qui a de tout temps fait la fortune de la principauté. Sans attendre les résultats de ces enquêtes, Emmanuel Macron a donc voulu renouveler toute sa confiance à l’égard du Prince Albert, et a même annoncé une prochaine visite officielle dans la principauté, au nom de « l’amitié historique » entre les deux pays.

On ignore pourquoi ce 66e anniversaire du Prince Albert revêt un caractère exceptionnel, mais il a été célébré avec le faste et l’apparat qui siéent à la famille princière depuis que la dynastie des Grimaldi a accédé au pouvoir. Il fallait à tout prix redorer le blason et entretenir le mythe d’un peuple tout entier dévoué à la famille princière, elle-même parfaitement unie. La presse a célébré le « baiser fougueux » du Prince sur la joue de son épouse, qui en paraissait plus surprise que charmée, et a fait l’éloge de la princesse Gabriella, qui du haut de ses 9 ans portait la toilette comme un mannequin professionnel, son frère jumeau, Jacques, étant dispensé de ces futiles obligations. Bref, la principauté a mis les petits plats dans les grands pour faire bonne figure, et notre président a porté la dernière main pour parfaire l’illusion. Souverains de tous les pays, unissez-vous !