Anatomie d’un Oscar

L’abondance de l’actualité et mes choix personnels ne m’ont pas permis jusqu’ici de réagir à la cérémonie des Oscars, qui a vu le triomphe du biopic Oppenheimer, que je n’ai pas vu, mais qui semble correspondre aux critères habituels de l’industrie cinématographique made in Hollywood, très professionnelle et sans grande surprise. Pour nous, Français, et plus largement Européens, l’enjeu résidait dans un autre film, Anatomie d’une chute, après les Césars, les Golden Globes, on s’attendait à une surprise, qui n’a pas eu lieu. Le film de Justine Triet est reparti avec « seulement » le prix du meilleur scénario, une sorte de lot de consolation après des hypothèses, à mon avis un peu exagérées, pour un film ne méritant pas un tel excès d’honneur tout en étant très bien réalisé.

La bonne surprise est venue d’ailleurs, quand il s’est agi de remettre le prix des meilleurs costumes, un trophée qui, habituellement, ne soulève pas l’enthousiasme des foules, car John Cena, qui devait remettre le parchemin, s’est présenté totalement nu, son intimité étant seulement dissimulée par une enveloppe cachetée XXL renfermant le nom du gagnant. Rassurons tout de suite les prudes Anglo-saxons et les ligues de vertu américaines, contrairement aux traditions quand il s’agit de nudité féminine, aucun incident n’a révélé fortuitement l’anatomie de l’acteur, qui de toute façon était équipé de prothèses couleur « chaire » (sic) pour parer à toute éventualité. Cependant, pour accomplir sa mission, et ne serait-ce que pour ouvrir l’enveloppe, il fallait que John Cena puisse revêtir une tenue décente, en l’occurrence une toge façon César, ce qui fut fait en 22 secondes chrono grâce à une nuée de mécaniciens, pardon d’habilleurs, à la manière d’un changement de pneus au stand d’une course de formule un, pendant que le public découvrait la liste des « nominés », selon l’horrible expression consacrée.

Et devinez qui a remporté l’Oscar dans cette catégorie, loin du glamour et des paillettes? Le film qui a marqué pour moi toute la cuvée 2023 pour son brio et son originalité, Pauvres créatures, qui se contentera de cette récompense en plus du prix d’interprétation féminine pour Emma Stone, qui l’a largement mérité. Cela valait-il de passer une nuit blanche devant sa télévision pour tenir compte du décalage horaire ? Sans doute pas. Je rassure ceux qui s’inquiéteraient de ma santé et des conséquences d’un manque de sommeil pour quelqu’un de mon âge, qui s’aggrave année après année, comme tout le monde. Vous pouvez, comme moi, retrouver les meilleurs moments, malheureusement assez brefs, dans tous les bons journaux, notamment le Huffpost, avec en « goodies » les clichés de John Cena, appareillé pour la bonne cause, et dont la pudeur reste sauve.