Historique !

C’est le mot du jour, ou plutôt celui d’hier, que l’on a entendu toute la journée, immédiatement associé à un participe passé, celui de galvaudé, employé comme une excuse à un manque d’originalité, à propos du vote solennel des députés et sénateurs réunis en congrès à Versailles pour approuver une modification de la Constitution qui intègre l’interruption volontaire de grossesse dans notre charte commune de la République. Le vote a été acquis à une large majorité que personne n’avait prédite dans son ampleur jusqu’il y a seulement quelques semaines, entraînant des manifestations de joie et de satisfaction insoupçonnées et d’ailleurs insoupçonnables.

C’est pourquoi je vous demande de m’excuser par avance de casser un peu l’ambiance en exprimant quelques doutes sur une quasi-unanimité si improbable qu’elle en deviendrait suspecte. On a vu défiler à l’antenne des personnalités dont on avait oublié le militantisme et la force de leurs convictions, bien cachées jusqu’à un passé récent. En France comme ailleurs, il est plus facile de voler au secours de la victoire et les partisans de l’IVG ont vu leurs rangs se densifier comme ceux des résistants de la 25e heure après le débarquement dont nous fêterons bientôt le 80e anniversaire. C’est au point que les directeurs de chaînes d’information continue ont dû se creuser la cervelle pour trouver quelque intervenant pour apporter un semblant de contradiction au nom d’un pluralisme dont ils n’ont généralement que faire. C’est ainsi que les amis de Ludovine de la Rochère, ancienne égérie de la Manif pour tous, ont pu être rassurés sur son état de santé. Elle a toujours bon pied bon œil et représente crânement la réaction et le conservatisme à l’état pur. Par contre, elle se refuse avec la dernière énergie à condamner l’IVG proprement dite, et elle suit en cela la ligne Larcher, président du Sénat, qui s’est opposé uniquement à son inscription dans la Constitution en prétendant en vrai faux-cul qu’elle n’est pas menacée. Ben, si, banane ! ce sont les gens comme toi qui s’arrangeraient pour que l’IVG ne puisse plus être pratiquée, faute de moyens.

Il n’empêche que c’est à son initiative que l’on doit le texte édulcoré qui a été voté, dans lequel le recours à l’IVG n’est considéré que comme une liberté, facultative donc, et non comme un droit, qui aurait pu être opposable à l’état s’il ne donnait pas les moyens de l’utiliser. Après coup, il est certain que l’issue du vote aurait été la même, puisqu’on sait que 90 % des Français étaient favorables à cette constitutionnalisation de l’avortement, ce qui explique pourquoi le président s’est senti obligé de la proposer en détournant au passage la popularité de la réforme et en tentant de s’approprier une mesure à laquelle il ne souscrivait pas à l’origine. Mais ne boudons pas notre plaisir.