En attendant le dégel

Rien de tel qu’une période électorale pour débloquer des situations gelées depuis longtemps. Par exemple, on a appris avec intérêt que le point d’indice de la rémunération des fonctionnaires allait enfin être augmenté pour tenir compte de l’inflation qui pourrait atteindre entre 3,7 % et 4,4 % en 2022, voire davantage à cause des conséquences de la guerre en Ukraine. Cela fait cinq ans que le gouvernement actuel se refuse à toute mesure globale, et les gouvernements précédents n’avaient pas fait grand-chose non plus. Il y avait pourtant, parait-il, une ministre de la Transformation et de la Fonction publique, dont c’était l’occupation principale.

Mais mieux vaut tard, etc. L’état donnait il y a peu des leçons de civisme aux entreprises bénéficiaires en les exhortant à augmenter les salaires tout en refusant, pour sa part, le moindre coup de pouce au SMIC. L’État-patron perpétuait également la tradition d’être pingre avec ses fonctionnaires des catégories modestes, réservant ses largesses aux hauts fonctionnaires qui font des allers-retours avec le public, retournant « pantoufler » dans le privé pour peu qu’on leur fasse un pont d’or. Oui, mais les fonctionnaires, qu’ils soient d’état, territoriaux ou du domaine hospitalier forment quand même une clientèle de près de 5,7 millions d’agents, et qui votent encore, contrairement à d’autres catégories sociales, durablement échaudées par les promesses électorales non tenues ou carrément contrecarrées. À l’approche des présidentielles, le candidat Macron va donc sortir une nouvelle fois le carnet de chèques pour tenter de se concilier les bonnes grâces de la population. Ça coûtera ce que ça coûtera, une réélection n’a pas de prix. Mais il en veut pour son argent.

Le premier effet « kisscool », c’est maintenant, avec le bénéfice de l’annonce. Mais à ce stade, il n’y a encore rien de concret. Il faudra attendre l’été, après les élections, donc, pour voir les promesses se traduire en espèces sonnantes et trébuchantes. À condition d’avoir « bien voté ». Et sous réserve des négociations avec les partenaires sociaux, comprenez les syndicats, qui pourraient donner prétexte à rupture avec des revendications jugées trop coûteuses. À supposer que toutes les conditions soient remplies, j’éviterai de me réjouir trop vite. Il faut s’attendre à ce que les maigres augmentations arrachées à ce gouvernement ou au suivant soient assez loin de compenser la perte de pouvoir d’achat sur la seule année 2022 sans parler de tous les quinquennats précédents. Pire, l’objectif à peine voilé de ces mesures pourrait être de diminuer drastiquement le nombre de fonctionnaires, un serpent de mer qui revient à chaque campagne électorale. Des fonctionnaires un peu mieux payés, mais avec des conditions de travail dégradées, si c’est encore possible. Par exemple en revenant sur les horaires de travail, les vacances des enseignants et tout ce qui alimente le fantasme de supposée fainéantise dans la fonction publique. Merci patron !