Guerre et paix

En reconnaissant officiellement les deux républiques séparatistes ukrainiennes du Donbass et en s’engageant dans la voie d’un accord militaire avec ces nouveaux pays « frères », Wladimir Poutine a clairement opté pour un affrontement direct avec les pays européens et occidentaux qui l’avaient mis en garde contre une telle décision. Ou plutôt, étant donné que les escarmouches militaires n’avaient jamais vraiment cessé depuis les accords de Minsk en 2014 et 2015, on peut dire que l’on est passé d’une situation de ni guerre, ni paix, à son homologue, ni paix, ni guerre. Ou encore d’une bouteille à moitié pleine à une bouteille à moitié vide.

La situation en Ukraine passe de préoccupante à très inquiétante et surtout démontre que le président russe suit un plan préétabli, sans se laisser dévier de sa trajectoire, un plan dont lui seul connait le but ultime, qui peut être l’asservissement total d’un pays pour recréer artificiellement la grandeur passée dont Wladimir Poutine cultive la nostalgie, que ce soit la Russie impériale, l’URSS voire la CEI. Le président russe a baladé ses interlocuteurs, français, allemands, ukrainiens, américains, en leur laissant croire qu’une négociation serait possible, ce qu’il continue d’ailleurs à prétendre, afin d’affaiblir leurs positions, en espérant introduire un coin entre les pays concernés, et fissurer le front d’une opposition ferme aux violations répétées du droit international. Chacun sait que les sanctions économiques envisagées ne feront pas le poids. Depuis l’annexion pure et simple de la Crimée, il ne s’est pratiquement rien passé et la politique du fait accompli bat son plein. Emmanuel Macron pour sa part a tenté un gros coup en essayant de différer le processus voulu par Wladimir Poutine le temps nécessaire à sa réélection, et il a perdu.

Les Français lui en tiendront-ils rigueur ? on n’en sait rien, mais son image n’en sortira pas grandie. On ne peut pas éviter de comparer la situation à celle qui a conduit Daladier et Chamberlain à signer les accords de Munich avec Hitler et Mussolini, en 1938, dans l’espoir d’éviter la guerre. On connait la suite, et la phrase attribuée à Winston Churchill : « vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre ». Emmanuel Macron va devoir déclarer sa candidature sans pouvoir afficher un succès diplomatique de premier plan, et je crois qu’il en est mortifié, ainsi que s’être fait manipuler et instrumentaliser par son homologue russe. C’est sans doute ce qui l’a conduit à décocher le coup de pied de l’âne en faisant savoir qu’il le jugeait « rigide et paranoïaque », une façon de justifier qu’il n’était pas possible à qui que ce soit de le ramener à la raison. Si cette analyse était fondée, et s’il l’avait faite en temps et en heure, sans doute aurait-il agi différemment et se serait épargné le ridicule d’endosser le costume de Super Dupont pour tenter de sauver la planète.