Supplique

Le titre complet était un peu long pour un billet aussi court. Il aurait dû s’appeler, pour paraphraser Georges Brassens, « supplique pour ne pas être enterré dans un Ehpad à la fin de mes jours ». Car, moi aussi, tout comme Coluche, je préférerais, si c’était possible, mourir de mon vivant, ce qui n’est manifestement pas le cas de certains pensionnaires de ces maisons de retraite, n’ayant de luxueux que le nom et la facture mensuelle réclamée pour un service indigent.

On se doutait bien que tout n’était pas forcément rose dans des établissements qui faisaient de la recherche du profit leur objectif principal, sinon unique. Mais la réalité, si elle est avérée, dépasse largement ce que l’on pouvait imaginer. Dans un livre brûlot intitulé « les fossoyeurs », après trois ans d’enquête, un journaliste décrit le quotidien dans des établissements du groupe Orpea, qui détient la majorité des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes. Et le constat est sans appel. Même dans les établissements qui réclament des pensions exorbitantes pouvant atteindre 12 000 euros par mois, la recherche du profit maximal reste la règle jusqu’à mégoter sur le nombre de couches pour les personnes incontinentes. L’exemple le plus emblématique est celui de la fin de vie de Françoise Dorin, décédée en 2018 dans une résidence haut de gamme des suites d’une escarre mal soignée.

Le scandale causé par ces révélations a provoqué la chute des actions du groupe en Bourse, mais il ne faut pas croire qu’il soit le seul à présenter des dysfonctionnements majeurs. En 2020, c’est le groupe Korian qui était sur la sellette. La crise du coronavirus a aussi mis en évidence le manque criant de personnel qui aboutit nécessairement à de la maltraitance faute de temps. Les directeurs d’établissement ont tiré la sonnette d’alarme à de nombreuses reprises, pour dénoncer des budgets insuffisants. En 2019 a paru un autre ouvrage : EHPAD, une honte française, rapportant le témoignage édifiant d’une aide-soignante. Depuis lors, rien n’a changé ou presque, sinon en mal.

Pour ma part, et je ne suis pas une exception, la dépendance est un cauchemar absolu. J’ai eu la chance jusqu’à présent de ne la vivre que pour de courtes périodes qui m’ont suffi à imaginer ce que cela deviendrait si la situation se pérennisait. Devoir attendre pour le simple maintien de ses fonctions vitales, sans pouvoir agir de façon autonome, peut rapidement devenir un supplice moral et physique, auquel on ne peut souhaiter qu’une issue rapide. Dans les cas les plus extrêmes, on peut demander qu’au moins soit préservé le dernier droit de l’être humain, celui à mourir dans la dignité, un droit manifestement bafoué dans certains établissements qui ont pris la relève des asiles en devenant de simples mouroirs. C’est à la société de revoir sa copie en les extrayant de la logique capitaliste qui les guide.

Commentaires  

#1 jacotte86 26-01-2022 13:51
juste un petit remous... la clientèle de ces établissements est pratiquement inépuisable compte tenu du vieillissement de la population la nécessité fera hélas"oublier" ces perversions du système
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