L’emmerdeur

À l’origine, c’est un film, une comédie bien enlevée tournée par Édouard Molinaro en 1973, adaptée de la pièce à succès de Francis Weber avec un duo Lino Ventura et Jacques Brel, irrésistibles. Après la reprise de sa pièce au théâtre, Weber a eu l’idée de faire lui-même un remake du film en 2008, qui s’est soldé par un échec commercial. Il semblerait qu’Emmanuel Macron se soit mis en tête d’incarner à son tour le personnage de François Pignon, en décidant d’emmerder les Français, non seulement jusqu’au « dernier quart d’heure » de son quinquennat, mais au-delà, au risque de se prendre un bide monumental.

Ce qui est nouveau, c’est qu’il ne se cache pas de ses intentions et n’hésite pas à employer un vocabulaire de charretier, sous prétexte que Georges Pompidou avait en son temps et en privé, exhorté ses troupes à « cesser d’emmerder les Français ». Il n’y a pas encore si longtemps, le style était plus allusif, comme en témoigne cette chanson de marins que vous connaissez peut-être : « Les marins sont en mer dès l’aurore, en mer dès le matin, en mer dans la journée. Ils ont la mer devant, ils ont la mer derrière, ils ont la mer de tous les côtés ». Le président s’en prend donc directement aux antivax en déclarant dans une interview au Parisien qu’il a très envie d’emmerder les non-vaccinés, et en leur déniant la qualité de citoyens, pas moins. Le raisonnement est d’ailleurs très simple. Puisqu’il y a 90 % de vaccinés et que le président ne peut compter que sur environ un quart de convaincus du bien-fondé de sa politique, il tente de les enrôler de force sous sa bannière, par la démagogie et l’amalgame le plus grossier.

En entendant cela, j’avoue que, comme Luc Ferry, qui pourrait se reconvertir dans l’humour involontaire après une carrière philosophique avortée prématurément au profit de la politique, « les bras m’en sont tombés des mains ». Je cherche encore le nom de la figure de style qui consiste à inverser l’ordre des facteurs pour créer un effet de surprise, car ce sont plutôt les mains qui pourraient tomber des bras, mais l’image est forte de la part de l’ancien ministre que Blanquer ferait presque regretter. Je reviens un instant sur la notion d’envie qui semble résumer la philosophie d’Emmanuel Macron en ce moment. Il a envie d’emmerder les non-vaccinés, donc il le fait. Il a envie d’être candidat à sa succession, il le fera, car tel est son bon plaisir, même si certains soulignent le côté adolescent prépubère de la démarche. Je m’attends à ce qu’il reprenne prochainement à son compte les paroles de la chanson écrite par Goldman pour Johnny Halliday : « Qu’on me donne l’envie, l’envie d’avoir envie, et qu’on allume ma vie ». À moins qu’il n’infléchisse enfin son itinéraire d’enfant gâté.

Commentaires  

#1 jacotte86 05-01-2022 11:34
on se relache... chassez le naturel il revient au galop, la façade se lézarde !
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