Une époque formidable

Les preuves que notre époque est formidable ne manquent pas, mais le progrès qui me semble le plus décisif depuis quelque temps, c’est que l’on peut commenter les informations et les décisions, avant même qu’elles soient effectives. Par exemple, le conseil de défense sanitaire qui va se réunir cet après-midi à 16 heures, ne va pas décider de couvre-feu pour le 31 décembre, ni de repousser la rentrée scolaire d’une semaine. Ce qui me permet de vous donner mon avis sur ces sujets sans devoir attendre jusqu’à demain que les décisions soient prises.

Alors, allons-y gaiement sans perdre une minute. Je suis en mesure de vous indiquer qu’un couvre-feu le soir de la Saint Sylvestre n’aurait qu’une efficacité limitée, et qu’il risquerait de mécontenter inutilement un électorat que l’on ne cesse de bichonner en haut lieu. C’est pourquoi je pense que les devins de service, dont les prédictions sont d’autant plus fiables qu’ils ont l’oreille proche du pouvoir qui laisse filtrer soigneusement des indiscrétions parfaitement calibrées, ne seront pas démentis. Il en va de même de l’hypothèse d’un allongement des vacances scolaires réclamé par certains médecins pour freiner la propagation du nouveau variant. Le ministre de l’Éducation en a fait un totem, il est en cela soutenu par le président et il n’y a donc aucune chance, sauf catastrophe sanitaire imprévue, de fermer les écoles, même provisoirement, sous quelque prétexte que ce soit. Bien entendu, les uns et les autres des « happy few » qui constituent l’oligarchie entourant le chef de l’état seront appelés à donner leur avis, mais tout le monde sait désormais qu’il n’y a qu’un seul décisionnaire, et c’est le président lui-même. Cela présente l’avantage de pouvoir utiliser le mode indicatif et non conditionnel pour évoquer des hypothèses concernant son avenir.

On ne se demande pas si Emmanuel Macron sera candidat, mais quand il l’annoncera. On sait également que les résultats de la lutte contre l’épidémie seront décisifs dans l’image que va donner le candidat virtuel. Autant il pourra s’en prévaloir si la situation s’améliore, autant il pourra être plombé personnellement si les évènements tournent mal, ce qui est aussi injuste dans un cas comme dans l’autre, mais ce sera lui qui l’aura voulu. Il reste cependant des zones d’incertitude, dans la mesure où certaines décisions ne sont pas encore arbitrées par le chef suprême. Ni lui, ni personne, n’est actuellement en mesure de prévoir l’impact réel de l’extension galopante du nouveau variant Omicron sur l’activité économique. Des voix pessimistes, mais peut-être réalistes annoncent une paralysie des entreprises et des services à cause des mesures sévères d’isolement qui sont encore en cours. Mais pourrait-on les assouplir tout en prônant le renforcement des autres mesures de protection ? Le message serait plutôt brouillé et l’opinion pourrait y réagir dans un sens impossible à prédire. Il va falloir une fois de plus que Macron prenne « son risque », mais toujours avec nos sous.