Le lion et les chasseurs

Une petite fable pour illustrer mon propos, car il est bon de rire parfois, même si les occasions se font rares. Ce sont deux chasseurs dans le désert africain qui sont partis à la chasse au lion. Malheureusement, le fusil du premier chasseur s’enraie, puis celui du deuxième. Les deux chasseurs se regardent, paniqués, car le lion se rapproche dangereusement. Qu’est-ce qu’on fait ? On court ! Mais tu es fou, tu ne pourras jamais battre un lion à la course ! Je n’ai pas besoin de courir plus vite que le lion, du moment que je cours plus vite que toi, c’est suffisant.

C’est un peu ce qui s’est produit pour la désignation du candidat des Républicains à l’élection présidentielle qui a vu la victoire, nette, de Valérie Pécresse au 2e tour. La présidente de la région Ile de France a ainsi prouvé qu’elle pouvait courir plus vite qu’Éric Ciotti, mais sera-t-elle capable de distancer Emmanuel Macron ? C’est une autre paire de manches. Mais ce n’est plus exclu. Dans un sondage IFOP réalisé après sa désignation, elle opère une progression spectaculaire, la mettant à égalité avec Marine Le Pen, tandis qu’Éric Zemmour stagnerait en 4e position. Elle serait en mesure de se qualifier pour un second tour relativement serré où le président sortant l’emporterait 52-48 seulement. Ce score n’est pas si surprenant si l’on songe que François Fillon, malgré la kyrielle de casseroles qu’il traînait derrière lui, dont certaines ne sont toujours pas décrochées, a quand même réuni 20 % de suffrages sur son nom en 2017. Sans oublier les résultats honorables des candidats les Républicains aux élections intermédiaires.

Tout dépendra de la capacité de la candidate à serrer les rangs dans son propre camp, et à ne pas se laisser phagocyter par son rival Éric Ciotti, apparemment déterminé à pousser son avantage pour aiguillonner le parti dans sa propre direction, à la manière de Sandrine Rousseau pour Yannick Jadot. Elle peut compter aussi sur la division du camp de l’extrême-droite, où Éric Zemmour et Marine Le Pen se partagent un électorat certes conséquent, mais pas illimité. Et pour filer la métaphore, on ne garde jamais deux crocodiles dans le même marigot, sans que l’un ne finisse par dévorer l’autre. Et du côté du lion, on a aussi du souci à se faire. Car la pandémie profite pour l’instant au pouvoir en place, qui a géré la crise tant bien que mal, mais qui se tient sur une ligne de crête très périlleuse, où il serait facile de dégringoler et de perdre le contrôle. C’est pour cette raison que le gouvernement n’avance qu’à pas comptés, en se gardant bien de la moindre imprudence, l’œil rivé sur la ligne bleue des sondages d’opinion et de sa cote de popularité.