Bouteille à l’encre

La plus grande partie d’entre vous n’a pas connu le temps des encriers à l’école, avec ses joies secondaires, telle que le morceau de craie blanche rendant la mixture inutilisable, la corvée de remplissage confiée à un « grand » en croisant les doigts pour que la grande bouteille ne laisse pas trop de gouttes indélébiles au pied des tables, les pâtés sur les cahiers quand ce n’était pas la plume qui traversait carrément la feuille à force de repasser sur la faute d’orthographe… le bon temps, quoi. La politique du gouvernement vis-à-vis de l’école est aussi opaque que cette fameuse bouteille d’autrefois.

Les élèves du primaire seront autorisés à enlever le masque dans les classes « à partir du 4 octobre », notez la précision dans les dates, à condition que le taux d’incidence dans le département soit inférieur à 50 cas pour 100 000 habitants. Cela concernerait actuellement 41 départements, mais reste soumis à variation, dans un sens comme dans l’autre. Ce qui pourrait nous faire revivre le « stop-and-go » ou le jeu du yoyo au gré des aléas climatiques. Car la plupart des scientifiques prédisent le retour de l’épidémie à plus ou moins long terme, lorsque nous vivrons à nouveau plus confinés à l’intérieur des maisons et des entreprises. Il est donc permis de s’interroger sur la pertinence de lever la garde sur les précautions sanitaires, au risque de favoriser un retour de la propagation. Il ne fait guère de doute sur le fait que les enfants participent de la contagion, même s’ils ne développent pas de formes symptomatiques de la maladie. On voit bien que le ministère voudrait lâcher du lest sur les contraintes, tout en adaptant les décisions à la situation particulière de chacun, pour ne pas imposer de mesures difficiles à ceux qui ne seraient pas concernés. Le résultat le plus concret est de rendre l’affaire totalement illisible et d’empêcher de se projeter vers un avenir clair.

La même incertitude règne sur le pass sanitaire, sur lequel des rumeurs avaient couru sur son possible abandon ou assouplissement, tandis que se prépare une loi permettant de le proroger pour une période encore à définir. Quelles que soient les décisions qui seront prises, le contexte se caractérise par un aspect commun : l’infantilisation. Avec le déremboursement des tests dits « de confort », le pass sanitaire s’obtiendra presque uniquement en étant vacciné. Mais la marge de progression de la vaccination se réduit fortement. Il ne restera bientôt plus que les opposants irréductibles et les jeunes enfants qui ne le seront pas, et le pass sanitaire perdra sa vertu principale d’incitation à la vaccination. Autant passer alors à une obligation vaccinale, comme pour les soignants et les professions accueillant du public. Ce serait plus clair, mais peut-être moins populaire pour une réélection.