Zemmour est arrivé !

Tel un cavalier qui surgit de la nuit et qui court vers l’aventure au galop tout en signant son dernier livre à la pointe de l’épée, d’un Z qui veut dire « Zemmour », le polémiste monté en épingle par la sphère médiatique se rêve déjà en renard rusé qui fait sa loi et devient vainqueur à chaque fois. Et tout ça sans être officiellement candidat. Entre nous, il aurait tort de s’en priver. Comme le disait Coluche, qui avait vécu une aventure similaire en 1981, il suffirait que les gens arrêtent de l’acheter pour que ça ne se vende plus.

C’est vrai pour le bouquin, qui est officiellement le prétexte à son tour de France, et c’est vrai également pour ses « idées » dont certaines ont été condamnées définitivement par la justice française pour provocation à la haine raciale par exemple, et d’autres toujours en cours de jugement. Les médias se sont emballés parce que des sondages le montrent à 11 % d’intentions de vote à 7 mois des élections présidentielles, ce qui ne signifie strictement rien alors que les candidats et les programmes ne sont pas encore connus du grand public. Sa cote exprime probablement la curiosité et l’attirance de l’opinion pour un trublion, un trouble-fête, qui n’est pas perçu comme appartenant au sérail, au système ou au microcosme, alors qu’il en fait partie depuis bien longtemps. Laurent Ruquier en son temps avait fait amende honorable en regrettant de lui avoir mis le pied à l’étrier dans son émission de télévision « on n’est pas couché ». L’avènement des chaînes d’information continue lui a permis de devenir incontournable sur Cnews, chaque network ayant à cœur de s’assurer les services de chroniqueurs tous plus à droite les uns que les autres, de Pascal Praud à Éric Brunet en passant par Eugénie Bastié ou Guillaume Roquette.

La cerise sur le gâteau va être posée par Jean-Luc Mélenchon qui a prévu de débattre avec lui demain soir à la télévision, lui apportant ainsi la consécration d’un statut de politique à part entière de la part d’un candidat qui a failli se retrouver au deuxième tour de l’élection précédente. L’exercice est risqué, malgré les talents de tribun du chef de file des Insoumis, car Zemmour n’est pas maladroit de ce point de vue. Même si ses idées sont désastreuses, elles ont un certain écho, malheureusement. Et le retentissement médiatique pourrait lui profiter plus qu’à Jean-Luc Mélenchon. Même si le pire n’est jamais sûr, je trouve dangereux d’offrir une tribune supplémentaire à ce personnage si contestable. L’expérience de l’élection de 2017 a démontré qu’une candidature hors-sol, soutenue par des fonds occultes, partie de rien ou presque, peut aboutir, sur un malentendu, à l’élection d’un ambitieux ultra minoritaire, mais difficile à déloger ensuite.