Intéressant ou intéressé ?

Le président Macron ne rate décidément aucune occasion de faire son intéressant. Depuis l’Irak où il est allé se faire voir sans réelle nécessité hormis de prouver une stature internationale, il annonce une demande de la France de créer une « safe zone » pour permettre aux Afghans qui le désirent d’être évacués après la date butoir du 31 août fixée d’un commun accord par les talibans, nouveaux maîtres de Kaboul, et les Américains, qui rapatrient leurs derniers soldats de l’aéroport militaire. Emmanuel Macron est déjà en campagne présidentielle et fait feu de tout bois pour se poser en maître du jeu sur la scène internationale.

Son initiative est visiblement intéressée, il s’agit de tirer les marrons du feu, de se doter d’une stature de chef d’État en enfilant un costume hérité du général de Gaulle, trop grand pour lui, et de spéculer sur les bons sentiments qui pourraient animer les très grandes puissances, USA, Russie ou Chine. Sur le papier, il s’agirait de créer une zone de sécurité sous l’égide de l’ONU, dans laquelle seraient rassemblés les candidats au départ, notamment ceux qui ont obtenu leur bon de sortie auprès des ambassades occidentales et n’ont pas pu prendre les derniers vols autorisés. Premier obstacle : les nouvelles autorités afghanes n’en veulent pas, prétendant que les personnes seront autorisées à voyager en suivant les procédures normales. Deuxième difficulté : il faudra un vote positif à l’unanimité aujourd’hui au Conseil de sécurité de l’ONU pour autoriser cette opération et il faudra négocier avec la Chine et la Russie pour qu’elles ne bloquent pas le processus grâce à leur droit de véto.

À supposer que les obstacles juridiques et diplomatiques soient levés, resteront des questions politiques et morales difficiles à résoudre. Si une zone d’accueil était créée, ne formerait-elle pas une cible privilégiée à la fois pour les groupes terroristes de la branche afghane de l’état islamique, qui a déjà réussi un attentat suicide à proximité de l’aéroport de Kaboul, et pour les talibans qui pourraient être tentés d’arrêter d’un seul coup une bonne partie de leurs opposants ? Les principaux intéressés seront-ils prêts à prendre le risque de se mettre dans un piège mortel, alors que l’on a vu dans le passé comment à Srebenica les Casques bleus ont dû assister, impuissants, au massacre de 8 000 Bosniaques malgré les promesses de l’ONU d’assurer leur sécurité ? L’organisation d’une telle zone implique des discussions avec les talibans, qui valent reconnaissance de fait, quoi qu’en dise Emmanuel Macron, et nous pourrions le regretter rapidement. Enfin, l’état français est-il prêt à assumer l’arrivée sur notre sol de réfugiés dont le président craignait il y a peu le flux « irrégulier » ? Ou faudra-t-il qu’une nouvelle fois ce soient les élus locaux qui sauvent notre honneur comme à Lille ou ailleurs ?