La bonne Dame de Loudun (suite)

On se retrouve au procès de Bordeaux le 20 novembre 1961. On avait donné trois mois aux experts, ils ont pris trois ans à confirmer la présence d’arsenic dans les dépouilles, mais aussi, pour la défense, à prouver qu’il y avait eu des erreurs de transfert des bocaux d’échantillons au laboratoire de Marseille, envoyés dix, reçus neuf, et des étiquetages défectueux. De plus, un éminent spécialiste, Monsieur Bastisse du centre de recherche nationale agronomique, a prouvé que le cimetière était une véritable réserve d’arsenic dû au sulfatage des champs et aux décompositions des ornements de zinc.

Le Docteur Béroud, expert du premier procès, est confondu dans son incapacité de faire la différence entre l’échantillon de terre avec ou sans arsenic ! Le retournement de l’opinion publique, le mobile du crime infondé, la haute probabilité d’imprégnation d’arsenic, et les témoins de l’accusation étant peu convaincants, Marie Besnard est acquittée le 12 décembre 1961 par défaut et non pas considérée innocente !

Il est important de revenir à l’origine de cette affaire qui tient dans l’accusation de personnes de l’entourage de Marie Besnard, pour en démonter l’infernal enchaînement.

Louise Pintou, postière à Loudun, s’immisce dans la vie intime du couple Besnard, on la soupçonne fort d’avoir une liaison avec Léon, elle est jalouse et envieuse sous des dehors d’amabilité ! Elle présente au couple les frères Massip, propriétaires du château de Montpensier, à Vézieres, qui passent leur temps à contacter différents ministères pour des plaintes diverses !

Après la mort de Léon, le 1er novembre 1947, Louise Pintou leur confie ses soupçons sur l’empoisonnement de ce dernier. Il ne leur en fallait pas plus pour qu’ils écrivent une lettre au procureur le 4 novembre 1947, rapportant les propos de Louise qui pourtant, interrogée, démentira. L’affaire est classée fin novembre, mais en octobre 1948, le château des Massip est brûlé, le 5 février 1949, la maison de Louise Pintou est cambriolée… manipulée par Auguste Massip qui écrit au ministre de la Justice, qui accuse Marie Besnard de sorcellerie, la calomnie en l’accusant de liaison avec leur employé ancien prisonnier allemand, Louise Pintou revient sur son témoignage, et porte plainte contre sa supposée amie !

L’inspecteur Normand sensible à cette accusation, surtout quand il rapproche les héritages aux morts suspectes dans l’entourage de Marie, aidé par un jeune juge, Roger, qui sent venir une grosse affaire, décide d’ouvrir une enquête…

On connaît la suite. On part pour 12 années de procès, déclenchés par des rumeurs malveillantes, une justice aveuglée par un a priori de jugée coupable, des experts pas très experts, et c’est toute une vie qui bascule. Marie Besnard a toujours crié son innocence, dans mon entourage on n’y croyait pas, mais aujourd’hui, pour moi ce n’est pas l’énigme judiciaire du XXe siècle ! La dame de Loudun a été victime de coïncidences troublantes autant que des rivalités et des jalousies primaires paysannes !

Marie Besnard est revenue à Loudun où en 1962 elle publiera ses mémoires, elle meurt en 1980, après avoir donné tous ses biens en viager, et refusant d’être enterrée à Loudun. Nul ne sait où se trouve sa tombe, puisqu’elle a donné son corps à la science !

L’invitée du dimanche